Vendredi 5 février 2021
Accuser un homme injustement, salir sa réputation, voire le condamner et détruire sa vie, il n’y a rien de nouveau dans cette pratique policière qui persiste ici et ailleurs et qui continuera d’exister aussi longtemps que la conscience citoyenne hiberne encore dans l’insouciance. À ce stade, rien d’autre qu’un coup de barre-réveil ne la réanime de nouveau. Une masse fracassante abondamment attendue, qui tarde malheureusement, a atterri, alors que les victimes sont de plus en plus nombreuses, la voix citoyenne minimisée au plus bas de son niveau, presque étouffée et très vite détournée par les médias vers l’oublie quelque temps après.
Le système qui encadre ces pratiques arbitraires s’éternise sans afficher de signes de faiblesses. De lui-même, il ne semble pas vouloir changer de trajectoire. Il se protège par ceux qui le nourrissent à longueur d’année sauf qu’il devient lourd à supporter, à digérer, chaque fois qu’une bavure semblable à celle de Mamadi Fara Camara se pointe à nous de nouveau. Cependant, nous sommes au XXIe siècle et nous avons toujours l’air de marcher à reculons.
Dans ce dessein, Mamadi aurait pu être n’importe quel autre citoyen à condition peut-être de ne pas être une personne noire, arabe, latino … minorités visibles de surcroit, comme on les surnomme ici au Québec. Être sur les lieux du crime pour que la machine du soupçon, de la brutalité et de l’injustice se met en branle, sans regard particulier ni précaution aucune. Elle est programmée, cette machine plutôt pressée, aveuglée par moment à ce fonctionnement quasi habituel. Voilà pourquoi, il n’y a rien de nouveau dans cette pratique policière longtemps dénoncée et redénoncée en vain.
Malgré l’action de ce citoyen aussi noble qu’elle soit, Mamadi n’a pas échappé à la foudre de cette machine dévastatrice conduite par le SPVM. Arrivé sur une scène de crime par pur hasard, il communique avec le 911 en utilisant son cellulaire. Mamadi signale le drame qui se dessine à peine devant ses yeux. Il reste sur les lieux, il ne bouge pas, contraint à fixer la scène du crime comme un bon samaritain prêt à faire plus en cas de nécessité… Booooom, les agents du SPVM arrivent. Mamadi tente de témoigner, d’expliquer, d’écarter des soupçons qu’il voyait venir vers lui, mais malheureusement, aux yeux de nos policiers, Mamadi est le suspect incontournable d’un tel crime crapuleux. Soudain, tout s’est mis en marche à l’image d’une destruction. Désignés au premier plan, les médias qui ne ratent jamais une telle occasion se sont précipités à leur tour. Et voilà, sans souci aucun, Mamadi fut jeté un peu trop vite à la vindicte populaire. La présomption d’innocence n’est malheureusement pas pour Mamadi. Revisionné la vidéo qui porte des réponses n’était pas apodictique, il fallait attendre six jours et par miracle qu’on revient accidentellement à cette preuve accablante. Et pendant tout ce temps-là, Mamadi demeurait écroué au fond de sa cellule.
Les accusations sont graves, car Mamadi était non seulement accusé de voies de fait causant des lésions contre un policier, mais aussi d’avoir désarmé ce policier, d’avoir tenté de le tuer et d’avoir déchargé une arme à feu dans sa direction. Malgré le profil, l’absence de toutes preuves à charge et le témoignage direct de plusieurs personnes qui l’ont écarté d’un tel dessin, le SPVM signe et procède à son arrestation. Ils sont convaincus, hors de tout doute, qu’il est l’auteur de l’agression. D’ailleurs, quand il s’agit d’un homme semblable à Mamadi, le souci de chercher la vérité est totalement insignifiant pour nos policiers.
Mais dans ce nouvel épisode de bavures policières qui mettait en tête d’affiche Mamadi, un étudiant en maîtrise, accusé et incarcéré injustement pour un crime crapuleux, certains politiciens en guise d’apaiser les esprits réclament une enquête indépendante, le premier ministre qui se force de se brancher à la connexion de l’évènement dit vouloir faire la lumière sur le traitement qu’a subi Mamadi, la ministre de la Sécurité publique indique être en discussion avec la ville de Montréal pour trouver la meilleure formule pour faire la lumière sans nuire à l’enquête toujours en cours, alors que tout rapport est totalement exclu entre Mamadi et le brigand fugitif. La chef du parti libéral demande au gouvernement de déclencher une enquête indépendante. La mairesse de la ville de Montréal a réitéré l’importance d’implanter des caméras corporelles au sein des corps policiers, certains chroniqueurs de la Presse tricotent autour d’une fabrication d’erreur judiciaire, des proches de la victime réclament des excuses. Alors que Mario Dumont, un animateur de télé confesse à ses auditeurs qu’il a toujours défendu les policiers, mais pas dans ce cas-ci. Autrement dit, il défendait les policiers à tort ou à raison, mais devant une telle preuve disproportionnée, il a changé d’avis. En absence de caméras de surveillances, la parole des victimes ne vaut rien. Personne ne va les entendre, alors que les versions des policiers sont presque souvent mensongères, contradictoires. Le hic en tout ça, elles sont rarement remises en question, sauf quand des images viennent les contredire. Conclusion, notre animateur manque de jugement, sinon il court dans la direction de chaque vent qui s’active et ça, c’est humiliant.
Vous voyez, tout le monde se met en œuvre le temps de s’assurer que la conscience collective continuera à hiberner et pourquoi pas éternellement, puis la roue revient à son point de départ comme si de rien n’était.
Hadj Zitouni