M. François Bonnardel, Ministre de la sécurité publique et Me Mélanie Hillinger, Commissaire à la déontologie policière.
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Hadj Zitouni, Porte-parole de MAJ
Organisme en défense des droits
12 janvier 2024
Écrire ou modifier une loi, c’est aussi une manière pour le gouvernement de se tirer du bourbier surtout quand la loi devient indigne. Le plutôt serait le mieux pour l’abroger, la modifier, la réécrire non seulement parce qu’elle se fait inutile ou disproportionnée, mais le réveil et la prise de conscience de la société civile la pourchasse, la traque jusqu’à l’extinction. Ici, je n’évoquerai pas ces lois qui sont susceptibles à des interprétations larges servant de levier à des personnes en position d’autorité qui les transgressent sans souci aucun. D’ailleurs, nos tribunaux se chargent le plus souvent à de les mettre en exergue.
La pensée humaine est réflexive et les lois, à tort ou à raison, suivent ce rythme en quête d’ajustement. Donc, rien n’est absolu, rien n’est tenu pour acquis. La vigilance de la société civile est de mise. Cependant, rédiger un texte de loi et l’adopter n’exige pas un grand effort au gouvernement quand la participation citoyenne est tenue à l’écart. C’est justement l’exemple de la loi 14 qui a été adoptée le 03 octobre 2023. Une loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la loi visant à aider à retrouver des personnes disparues.
La loi 14 : des modifications antidémocratiques
Le Ministre de la Sécurité publique, M. François Bonnardel n’a pas souhaité s’exposer à cet exercice purement démocratique où les citoyens ont leur mot à dire. Autrement dit, ce que le ministre de la Sécurité publique nous a dit ouvertement par la mise en œuvre de cette nouvelle loi : « C’est moi qui m’en occupe de la sécurité publique au Québec et ça sera à moi, moi seul à décider de quelle manière elle devra se faire ». Le ministre n’a pas seulement freiné la participation citoyenne à se prononcer sur la loi 14, mais il a été jusqu’à réduire au silence la porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique qui ne faisait finalement que lui répéter les inquiétudes citoyennes à ce sujet.
Malgré son courage, la députée de Westmount-Saint-Louis a échouée à son tour de convaincre le ministre de la Sécurité publique, M. François Bonnardel de faire marche arrière devant ce qui est de mal en pire. Le projet de loi 14 porte une méconnaissance inouïe du terrain. Aussi, comment peut-on faire une loi qui s’applique à une population sans la consulter, sans l’inclure dans la réflexion? N’est-ce pas la population qui est désignée par cette loi? Est-ce qu’elle ne devrait pas être activement représentée quand il s’agit de son destin? Permettez-moi de rappeler, M. Le Ministre de la Sécurité publique que les membres de Mouvement Action Justice avait aussi demandé de le rencontrer en date du 27 avril 2023. Ils ont souhaité lui en parler, mais son obstination les a empêchés de lui apporter un éclairage de vérité.
La déontologie policière qui assure la surveillance du travail policier en matière déontologique pose un énorme problème au niveau d’éthique et du droit. En cherchant à surveiller et sanctionner les actions dérogatoires des policiers, elle aggrave vivement la souffrance des victimes de l’abus policier. C’est rare, même très rare de rencontrer un plaignant satisfait pour avoir eu recours aux services de la déontologie policière. Néanmoins, derrière les séances de conciliations obligatoire de la déontologie policière se cache un laboratoire d’expérimentation abominable où les plaignants de l’abus policier sont manipulés pour servir de formation continue sur mesure aux policiers fautifs. Depuis plusieurs années, j’assiste et j’accompagne les victimes à ces séances de conciliations imposées au nom d’une loi incohérente. Combien, je suis bouleversé par ce face à face, plaignant-policiers, qui ne fait que raviver des blessures inconsolables, indélébiles, lentes à se fermer psychiquement et incurables pour certains. Des rencontres qui se multiplient sans aboutir à aucune justice ou réparation. Hormis, les abrutis policiers qui réalisent les conséquences directes de leurs inconduites. À travers ce miroir, l’État aspire à l’amélioration de ses policiers.
Mais, de quel droit peut-on utiliser les plaignants comme cobayes de laboratoire de formation sur mesure pour les policiers?
Je l’affirme solennellement: il s’agit d’un crime d’État odieux, impardonnable. Un délit qui constitue un vrai obstacle au développement démocratique. La justice devrait lever le voile sur ces pratiques tout à fait inadmissibles. Les médias traditionnels à la botte du système ne soufflent pas un mot à ce sujet!
La loi 14 n’a été qu’une occasion pour le ministre de la Sécurité publique, M. François Bonnardel pour détourner le regard des citoyens de ce qui pourrait être affreux et abominable comme pratique à l’endroit des citoyens-victimes de l’abus policier. En définitive, le grand volet de la loi 14 n’apporte aucune amélioration à la sécurité publique. Il ne corrige point les aberrations faites au nom de l’État québécois en cette matière. Il ne ramène pas non plus de réformes réelles qui méritent de redonner confiance dans les institutions de l’État. Ces laboratoires érigés en séances de conciliation à coût réduit pour l’État devraient cesser leurs pratiques définitivement. Les victimes de l’abus policier n’ont pas à être exposées en souris de laboratoire à l’endroit de ces policiers qui profitent d’une impunité à dimension politique.
La quasi-totalité des plaignants qui ont participé dans ces laboratoires nommés à tort, séance de conciliation n’ont jamais remis les pieds dans les bureaux de la déontologie policière. Voilà qui pourrait faire disparaitre progressivement le tribunal administratif de la déontologie policière.
Le ministre de la Sécurité publique, M. François Bonnardel s’est bien lavé les mains en déposant plusieurs piliers de la loi 14 sur les épaules de Me Mélanie Hillinger, Commissaire à la déontologie policière en ajoutant qu’il lui faisait confiance à 110% pour relever le défi. Tenez, elle a carte blanche, Madame la Commissaire à la déontologie policière. Il faut qu’elle fasse des miracles, Me Mélanie Hillinger pour apaiser le mal de la population en matière de sécurité publique. N’est-ce pas un peu trop pour la commissaire qui cherche à tout prix d’apporter son lot à la paix sociale au Québec?
Elle suit une politique de prévention Me Mélanie Hillinger, mais à quel prix? Hélas! Elle-même ne cherche pas à le savoir.
Dans la loi 14, le Ministre de la Sécurité publique se moque royalement de Me Mélanie Hillinger, Commissaire à la déontologie policière à plusieurs stades. Je préfère, pour le moment, n’en souligner qu’un seul.
Dans cette nouvelle loi, chapitre 20, article 31, M. le Ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel renfonce le clou de la moquerie: « une plainte alléguant la conduite discriminatoire d’un policier peut être soumise à la conciliation, à la discrétion du plaignant ». Puis, il ajoute: « Le Commissaire doit tenir une enquête lorsque le plaignant refuse la conciliation ».
Moins de 200 enquêtes à la déontologie policière
Est-ce un aveuglement volontaire ou la simplicité d’esprit de notre ministre de la sécurité publique? Dans cet article de loi, M. François Bonnardel, nous dit clairement qu’il va épargner les personnes discriminées de ces laboratoires dits séances de conciliations. Il s’agit de deux poids deux mesures. Pour M. François Bonnardel, il existe deux catégories de citoyens et il veut épargner à l’une de ces catégories l’enfer de ces laboratoires appelés ironiquement séances de conciliations.
Connaissez-vous le nombre de plaintes reçues par la commissaire à déontologie policière contre des policiers? Le nombre est fixé entre (rapport annuel 2022-2023. Commissaire à la déontologie policière, page 39), 2407 et 2493 plaintes et si nous incluons le nombre de désistements, retrait de plaintes ou celles qui ne sont jamais complètement formulées par crainte de représailles. Nous pouvons facilement atteindre les 4500 plaintes.
Maintenant, quel est le nombre d’enquêtes déclenchées annuellement par la commissaire à la déontologie policière? Réponse pour l’année 2022/2023 (rapport annuel 2022-2023. Commissaire à la déontologie policière. Page 51), 118 le nombre d’enquêtes décrétées. À travers toutes ses années d’exercices, le commissaire peine à dépasser de peu ce chiffre. Le budget demeure licou autour du cou du commissaire. Il ne peut franchir la borne dictée par son ministère. Ainsi, que l’État fait tout et à n’importe quel prix pour protéger les policiers.
Nous devrons nous rappeler aussi que le système de déontologie policière a été instauré dans la foulée d’une recommandation formulée par la commission des droits de la personne à la suite d’une enquête sur les relations entre les corps de police et les minorités visibles. Là, nous avons les deux pieds joints dans le plat de la discrimination raciale. Mais, M. François Bonnardel est allé encore plus loin en ouvrant le bal, ciel ouvert à la discrimination sans exception: je vous récite encore l’article 31 de ladite loi: « une plainte alléguant la conduite discriminatoire d’un policier peut être soumise à la conciliation, à la discrétion du plaignant ». « La commissaire doit tenir une enquête lorsque le plaignant refuse la conciliation ».
La loi définit 26 critères de discrimination :
L’apparence physique, l’âge, l’état de santé, l’appartenance ou non à une prétendue race, l’appartenance ou non à une nation, le sexe, l’identité de genre, L’orientation sexuelle…
Nous avons bien compris qu’aucune victime de l’abus policier ne souhaiterait aucunement participer à ce stratège de séances de conciliation. Alors que le ministre ordonne à la commissaire d’ouvrir des enquêtes chaque fois qu’une plainte allègue la conduite discriminatoire d’un policier. Par conséquent, combien de plaignants qui font partie de cette catégorie refuseront de participer à ces conciliations? Quasiment, tous. Nous ne nous souhaiterions à personne de prendre ce chemin douloureux et en plus superflu! Pas plus que cette semaine (Dossier 23-1328. Séance de conciliation en date du 10 janvier 2024 à 14h, j’accompagnais une victime d’abus policier pour une conciliation obligatoire à la déontologie policière. La conciliatrice nous a invité pour une rencontre en privé préalable à la tenue de la séance de la conciliation ou la plaignante et policier mise en cause vont être face à face. Elle a demandé à la plaignante de lui reformuler sa plainte verbalement et malgré de m’avoir objecté, la conciliatrice a poussé un peu fort son désir d’entendre à vive voix les doléances de la plaignante et pour conclure, la plaignante a éclaté au milieu de son récit en sanglots. C’était l’un de ces moments qui m’attriste le plus. Toutefois, le pire était quand la plaignante (L.B. Initial de la plaignante ) était obligée de réouvrir sa blessure une fois rendue autour de la table de la conciliation. Les larmes n’ont pas cessé de couler sur ses joues qui étaient entièrement enflammés de rougeur. Il y avait beaucoup de colère, beaucoup de reflet d’impuissance qui s’exprimaient à la longueur de son récit. Il faut reconnaitre que cet exercice de laboratoire de la déontologie policière n’est d’autre qu’une vraie torture psychologique finement détourné pour des fins de formation à l’endroit des policiers.
Environ, des centaines et des centaines de plaignants, si ce n’est pas plus qui vont souscrire dans cet ordre d’appel offert par la nouvelle loi de ne pas vouloir participer aux conciliations.
J’imagine que Me Mélanie Hillinger, la Commissaire à la déontologie policière est allée voir le ministre de la sécurité publique pour lui demander de mettre un peu d’eau dans son verre. Pourquoi? Parce qu’elle savait qu’il a les pieds à l’envers. L’article 31 est discordant au son d’une cloche ridicule de M. le Ministre.
Le sort des victimes plaignantes dans le fossé
Finalement, il se moque des gens, monsieur le Ministre de la Sécurité publique. Personne ne souhaiterait être à la place de Me Mélanie Hillinger, Commissaire à la déontologie policière. Comment elle va sélectionner son quota annuel d’enquêtes? Quel est le sort des victimes-plaignantes qui ne seront pas triées dans ce quota de casse-tête? Des conciliations obligatoires les attendront au bout du couloir.
Une chose est certaine, le Ministre de la sécurité publique, M. François Bonnardel vient d’ouvrir un grand fossé pour enterrer Me Mélanie Hillinger vivante dans un sentier inaccessible loin des regards et l’impunité policière suivra son cours sans contrariété aucune.