Étrange! Le 15 mars de chaque année, journée internationale contre la brutalité policière, ma boussole magnétique tourne étrangement vers cette manifestation. Elle se positionne, s’aligne et pointe en direction unique, rendez-vous ultime pour dénoncer l’excès de la force policière. Je vieillis en avançant dans le temps et l’aiguille de ma boussole résiste, tient tête en avant. Elle reste fidèle à son axe. Rien ne lui fait changer de cible ou modifier sa trajectoire, même pas le poids des années qui cumulent. De mes mains, je laisse tout tomber en chute libre. J’annule mes rancards et je me précipite vers cette marche, d’abord en signe de solidarité avec les victimes de la brutalité policière puis, enseigne d’une voix collective dénonçant l’égard de la conduite policière envers les citoyens.
Ils étaient environs trois mille les manifestants contre la brutalité policière en 2016 à descendre dans les rues de Montréal, ils sont rendus une centaine ou presque en ce 15 mars 2022. Que s’est-il passé pour que le nombre de manifestants chute à ce point, considérablement?
Pourtant, la brutalité policière est un fait réel que personne ne remet ou remettra en cause. À cet effet, la manifestation annuelle contre la brutalité policière est justifiée. Elle est motivée, fondée, voire recommandée à tous les citoyens soucieux de l’ordre et de la paix sociale. Je l’avais porté cette affiche en connaissance de cause : Nul n’est à l’abri de la brutalité policière. Delà, il me semble que les citoyens de la société civile sont tous concernés.
Le recul des participants me donne froid dans le dos. Devant la bouche du métro Lionel Groulx, je tenais ma pancarte face à une armée de policiers qui encercle le périmètre de la manifestation. Les jeunes militants qui répondaient à l’appel arrivent par gouttes d’eau. Ils étaient, pour la plupart, habillés en noir et les visages masqués de crainte d’être répertoriés. Les policiers en civiles se promenaient en photographes, en caméramans, ils distribuaient des sourires à l’occasion. Les militants demeurent prudents, craintifs. Aussitôt arrivés, ils distribuaient les coordonnées des avocats en cas d’arrestations. Le sentiment d’être arrêté et conduit aux centres de détentions se dessine dans les regards perturbés de ces jeunes. Ils ont tous moins de vingt-cinq ans. Ils se regroupent en petits cercles. Ils jasent entre eux. L’odeur de la marijuana parfume l’endroit. La crainte est palpable dans l’atmosphère. Le discours de l’envoi est pataud, mais la foule est déterminée de prendre la rue, de marcher dans le froid et cette fois l’emblème scandé est : la police, c’est colon en criss. Elle cherche à réveiller la conscience de nos concitoyens. Alors, en l’absence de cette voix, de cette marche, de la bravoure de ces jeunes militants, la brutalité policière continuera à faire des victimes chaque jour, chaque heure, chaque minute.
Les médias sont nombreux sur les lieux, sans être véritablement utile. Enfin, cette année, il n’y avait qu’une seule ou deux couvertures médiatiques qui ont réservé quelques mots à cet évènement. Le reste venait pour guetter un dérapage de taille. Ils cherchaient un monument capital pour l’image, le son et les écrans télévisés. Tout ce qui se diffuse, se consomme en grand nombre. La mort d’un jeune manifestant par exemple, le feu détruisant un bâtiment ou voir un policier transporté sur une civière… La voix et le but de la manifestation sont secondaires. Elles n’ont pas d’importance réelle. D’ailleurs on ne parle plus de la manifestation contre la brutalité policière. Cette année, on rapporte deux vitres parties en éclats par les jets de pierres soi-disant par les manifestants puis, l’ordre de la hiérarchie policière mettait fin à la manifestation.
Est-ce que nous devrons nous plier à cette volonté malsaine du pouvoir qui œuvre depuis des années à faire disparaitre la marche contre la brutalité policière au Québec? Sur ce, je vous laisse méditer à trouver votre propre réponse de citoyen.
Finalement, par ce biais et au nom du Mouvement Action Justice, je salue le réveille de ces jeunes militants qui résistent fortement à l’intimidation policière. Ils tentent de déjouer tous les plans du corps policier qui arrivent malheureusement, année après année, à diminuer le nombre de participants.
Espérant que les jeunes québécoises et québécois réalisent l’importance de cette journée annuelle contre la brutalité policière et participeront en grand nombre en donnant un nouveau souffle à la hauteur des attentes de toutes les victimes.
Hadj Zitouni