En partenariat avec la Faculté de Droit de L’Université de Montréal, La Clinique juridique de Mouvement Action Justice vous invite à une conférence sur le thème de la DPJ et les enjeux qui entourent les enfants ciblés par la DPJ en droit de la jeunesse.
Articles
Valoriser l’humain, est-ce encore possible?
Hadj Zitouni, porte-parole
Organisme en défense des droits.
Mardi, 15 octobre 2024.
Avant de s’introduire éventuellement dans l’interrogation de mon titre, je vous partage un autre titre qui m’a incité à me lancer dans cette introspection : « Humanité et Responsabilité : les services publics face à leurs grandes missions ».
D’abord, je tiens à vous rassurer que je suis nullement le concepteur de ce dernier titre. En effet, il appartient plutôt à Me Marc-André Dowd, Protecteur du citoyen. D’ailleurs, vous allez le trouver, ce brillant titre, dans la page d’ouverture Edito de son rapport annuel d’activité 2023-2024.
À vouloir valoriser l’humain dans notre société, le Protecteur du citoyen a fait de cet en-tête un cheval de Troie galopant. Je vous rappelle que Me Marc-André Dowd fut, dans une vie antérieure, Commissaire à la déontologie policière avant d’être nommé à ce nouveau poste. Je me souviens de l’avoir rencontré à quelques reprises. Effectivement, je ne vous le cache pas, j’étais touché par la modestie et l’ouverture d’esprit de cet homme. J’avais même écrit un article sur cette rencontre qui remonte au mois de janvier 2018. À cette époque, il me faisait pitié Me Marc-André Dowd de le voir planté dans le marais de la déontologie policière. Il était voué, le pauvre Me Marc-André Dowd, à l’échec, car la déontologie policière est une embûche inextricable où les victimes de l’autorité policière sont servies délibérément, voire forcément, comme souris de laboratoires à travers des séances dites conciliatrices qui servent aux profits de formations sur mesure visant à corriger des policiers qui dérogent au code de leur déontologie. Les plaignants-victimes de l’abus policier s’attachaient au processus de la déontologie policière, une fois, deux fois, puis la rupture du lien de confiance suit en définitive sans appel aucun. Me Marc-André Dowd s’est retrouvé, se pensant privilégié comme d’autres Commissaires avant et après lui, au centre de ce laboratoire d’expérimentation abominable où les plaignants de l’abus de l’autorité policière n’ont rien de mérite que le poids de l’humiliation.
Donc, il était chanceux Me Marc-André Dowd de se soustraire de cette tourbière inhumaine qui fait souffrir des centaines et des centaines de citoyens au Québec au nom d’un processus cruel et dégradant.
Tout mettre en œuvre pour que la personne demeure au cœur des priorités des services publics.
Là aussi, ce titre ne vient pas de moi. Il appartient également à Me Marc-André Dowd. D’ailleurs, il fait le bonheur de son rapport annuel d’activité. Une sorte de prise de conscience qui nous résume assez bien la vision de cet homme.
Le Protecteur du citoyen tente encore une fois de briser le robotisme humain et humaniser les services publics. Il déclare ouvertement un déficit criant au sein de notre société. Autrement dit, Me Marc-André Dowd nous dit que si nous voulons réellement améliorer notre sort, nous devrons valoriser l’humain. Il cible tous les secteurs publics sans exception, Me Marc-André Dowd. Il le dit à haute voix dans son rapport annuel d’activité. Il le répète. Il l’ordonne. Il le suggère: valorisons l’humain avant tout.
En lisant son rapport annuel 2023-2024, j’ai retrouvé l’homme que j’ai perdu de vue depuis quelque temps. Il voulait bousculer les choses autour de lui, Me Marc-André Dowd, mais lorsque je l’avais rencontré, il avait encore les mains liées et les pieds enfoncés dans la boue de la déontologie policière. Maintenant, Monsieur le Protecteur du citoyen, que vous n’êtes plus dans l’asservissement, nous vous invitons à prêter l’oreille aux citoyens et d’agir en forgeant des liens de confiances et tendre une main protectrice, en particulier aux plus vulnérables de notre société. J’espère que vous allez tenir le coup, debout sur la même voie jusqu’à l’extinction de votre mandat. Être Protecteur du citoyen n’est ni privilège, ni engagement aveugle, mais plutôt une prise de conscience de vouloir apporter de vrais changements.
Le chef du SPVM, M. Fady Dagher, a-t-il à son tour une vision?
Après la lecture du rapport annuel d’activité du Protecteur du citoyen, je me suis tourné vers des notes que j’avais prises lors de la présentation du rapport annuel et du plan stratégique 2024-2026 du directeur du Service de la police de la Ville de Montréal, Monsieur Fady Dagher. C’était devant la Commission de la sécurité publique à l’hôtel de Ville de Montréal le 12 juin 2024. Mes notes m’ont vite rafraîchi la mémoire. M. Fady Dagher est venu avec son état-major nous présenter les grandes lignes de son rapport et de son nouveau plan stratégique.
À un moment donner de sa présentation, M. Fady Dagher nous a cité les trois grands principes fondamentaux de sa vision d’ici 2026, je vous les cite:
- Mettre les populations au cœur de ses actions
- Valoriser l’humain
- Innover pour const …..
Alors que le chef de la SPVM continuait à nous expédier son fameux plan stratégique, je me suis brusquement détaché de son train d’expédition en me heurtant sur son deuxième bloc de vision. Le troisième bloc, j’avoue que je l’ai raté par inadvertance. Le choc était un peu dur pour moi. J’étais déstabilisé au point d’être éjecté pleinement de l’écoute. Toutefois, je le voyais M. Fady Dagher tournant les pages, tête inclinée sur une lecture soigneusement préparée et je me suis demandé s’il comprenait réellement ce qu’il lisait par moment.
À la fin de sa présentation et l’ouverture de la période des questions, j’ai questionné M. Fady Dagher à savoir comment le SPVM avait-il attendu si longtemps, jusqu’à la présentation de son Rapport d’activité 2024, pour viser décisivement dans ce nouveau plan, soi-disant stratégique à vouloir valoriser l’humain? Juste le voir lancer ce bloc de vision sur la place publique, pour moi, c’était assez troublant! La valeur humaine a-t-elle été abondamment exclue de la vision du SPVM au point de nous le rappeler publiquement!
C’est tout un courage! Bravo M. Fady Dagher! Dénoncer ses troupes sur la place publique en amorçant un virage d’urgence vers la reconnaissance et le mérite de la valeur humaine n’est pas rien dans une société où les valeurs, jadis chères à l’humain, ne sont plus d’actualités.
En revenant à moi après l’accident de ce fameux bloc qui m’a heurté en plein fouet, je me disais : Hélas! Les citoyennes et citoyens, non seulement de la ville de Montréal, ne méritent-ils pas cette valeur qui leurs revient par essence.
Lors de cette présentation devant la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal, je ne requérais nullement le droit à une réponse au risque de mettre le chef de la SPVM dans l’embarras de l’hypocrisie. Toutefois, je l’ai exhorté à une profonde réflexion sur le sujet. Reconnaître l’objet est une chose, mais le mettre en œuvre est une autre.
Incontestablement, le chef du SPVM, M. Fady Dagher est un homme de terrain. Nous l’avons tous vu jeune policier affleurer les rues de Montréal en quête de rapprochement avec les habitants des quartiers. Nous l’avons entendu et souvent répéter cette maxime : Police de proximité. Ores, ce contact a-t-il fait de lui le visionnaire d’aujourd’hui ou plutôt les fautes majeures de ses troupes ont réveillé sa conscience?
Au final, je ne peux que quitter M. Fady Dagher, directeur du Service de la police de la Ville de Montréal, le SPVM, sur une bonne note : celle d’avoir eu le courage de dénoncer publiquement ses troupes et de tenter par une vision tardive à valoriser l’humain de nouveau. Pour Me Marc-André Dowd, il lui reste encore et encore du chemin à faire.
Le 810 : attention! Ne le signez pas.
Prise de photo d’Edouardo à son insu dans l’une de ses pauses au travail. Montréal, le 10 avril 2024
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Hadj Zitouni, Porte-Parole
Mouvement Action Justice, un organisme en défense des droits
03 mai 2024
Le 810 est un article du code criminel. En acceptant de le signer dans un contexte de conflit conjugal, l’accusé admet que son ex-conjointe a raison de craindre pour sa vie, la vie de ses enfants, la vie de son partenaire intime ou même endommager sa propriété. Il admet également qu’il peut commettre l’infraction visée par l’article 162.1 du code criminel, celle de publier, distribuer, transmettre une image intime de son ex-conjointe. Bref, c’est une autre façon de plaider coupable et d’admettre sa dangerosité.
« La responsabilisation est à la base de notre système de justice, et ce principe s’applique entre autres à nos juges ». David Lamethi, ancien Ministre de la justice et procureur général du Canada.
Il faut noter que la majorité des avocats présentent l’article 810 du code criminel à leurs clients comme simple engagement, celui de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite pour une période maximale de douze mois. Ils rabâchent ces avocats que les accusés n’ont rien à craindre à signer le 810, puisqu’une fois dépassée la période prescrite, le dossier est totalement effacé des annales judiciaires. Par contre, ils ne leur disent pas tout. D’ailleurs, ces avocats vont jusqu’à souffler à l’oreille de leurs clients une probable condamnation s’ils refusent de signer ce fameux 810. Les personnes faussement accusées, présumées innocentes, deviennent soucieuses, craintives, anxieuses. La plupart du temps, elles passent à l’acte et signent cet éminent 810 du code criminel bien qu’elles n’aient totalement rien à se reprocher.
Ces dernières années, le 810 se répand comme une traînée de poudre à travers les tribunaux au Québec. Il prend de plus en plus de l’expansion. Les procureurs de la couronne l’utilisent à merveille pour que les policiers cognent davantage et à tout moment. Les femmes le connaissent beaucoup mieux que les hommes. Elles le trouvent efficace. Il s’est avéré un outil par excellence au plus haut point donnant des résultats impressionnants, renversants.
Après l’avoir expérimenté, les femmes conseillent fortement à d’autres femmes de s’étendre vers ce raccourci pour mieux dominer leur conjoint. Ainsi que l’article 810 se faufile en mal comme en bien dans la vie des couples. Une chose est certaine, forcer des personnes faussement accusées à le contracter fait plus de mal que de bien à notre système de justice. Les juges le savent très bien, mais ils préfèrent se taire et détourner le regard.
Voilà ce qui devient inquiétant, voire troublant. Force et de constater que le DPCP, le procureur de la direction des poursuites criminelles et pénales accélère le pas à tout prix pour forcer la main à ces personnes innocentes à devenir des coupables presque parfaits. Pire, des avocats qui privilégient non seulement de conseiller le 810 à leurs clients, mais qui insistent qu’ils l’acceptent et le signent malgré leur refus. Il va de soi qu’un nombre innombrable de juges au Québec, pour ne pas dire tous, l’accordent, le laissent passer à la vitesse de l’éclair en guise de désengorger un système judiciaire marchant de temps à autre en reculant.
Quel est le rôle des juges face à l’article 810 du code criminel?
Pour mieux répondre, je vous invite plutôt à lire cette histoire tirée du quotidien de nos tribunaux. Edouardo, un jeune homme que je connais depuis des années. Il est aide-mécanicien. C’est un homme dévoué entièrement à son travail et à sa famille. Il a trois filles. La plus veille a treize ans. Elles sont les prunelles de ses yeux. Sa femme Alma, Edouardo l’aime comme un fou. Il l’a encouragée à faire des études et pendant toutes ses années de formation, Edouardo a porté pleinement le fardeau des charges : maison, études, gardienne… Il s’est brulé les doigts, Edouardo, pour que sa femme et ses filles ne manquent de rien.
Personnellement, je n’ai jamais vu Edouardo se fâcher. Alma, sa femme l’avait provoqué à plusieurs occasions sans réel succès. Il souriait Edouardo, tout le temps. À l’instar d’une peluche, il adorait les accolades de ses filles. En revanche, Alma réitérait que son mari sentait l’odeur du garage en permanence. Elle affirmait que l’haleine de la graisse noire et l’huile des moteurs ne décollent jamais de la peau d’Edouardo.
Après avoir complété ses études, Alma est devenue conseillère en immigration. Edouardo s’est endetté pour lui acheter une voiture. Il lui a loué un bureau dans le quartier de son choix. Il l’a meublé ce bureau et s’en est occupé de le repeindre et à distribuer des dépliants publicitaires pour un premier lancement. Il a fixé aussi une grande affiche de façade en plein hiver. Toutefois, Edouardo ne savait pas que sa femme fréquentait un homme qu’elle avait rencontré lors de ses études. Elle l’avait présenté à Edouardo comme son associé. Les habitudes d’Alma ont pris un virage inattendu. Elle rentrait souvent tard chez-elle Alma. Elle justifiait ses retards par un volume de travail élevé. En se rendant compte que ses filles étaient un peu négligées. Edouardo réduisait ses heures de travail au garage. Alma profitait encore, elle ne passait plus les fins de semaine chez elle. Elle disait qu’elle voulait profiter de sa vie et que c’était son plein droit.
Edouardo n’arrivait plus à dormir quand Alma découchait les fins de semaine.
Il est devenu soucieux, préoccupé. Quand Alma retournait à la maison, Edouardo tentait de la questionner, mais, il buttait constamment sur un silence de plomb. Avec le temps, il a appris à se fâcher Edouardo, seulement, il n’avait pas ce mécanisme réversible pour faire effet. Un jour, Alma l’informe froidement qu’elle ne veut plus vivre avec lui. Elle lui intime l’ordre de disparaitre de sa vie. Elle le menace d’appeler la police. Edouardo s’accroche, refuse, insiste à connaitre la raison. Dans certains moments, il arrive qu’Alma perd le contrôle. Cette fois-ci, elle a poussé un cri strident Alma. Elle s’est frappée le visage. Elle s’est griffée le cou et finalement, elle lui a jeté un pot de fleur au visage. Le front d’Edouardo saignait, mais il n’a pas levé le doigt une seule fois. Il s’est figé un moment Edouardo en fixant Alma dans les yeux. Alma s’est tournée lentement les talons et s’est éloignée du salon. Désappointé, Edouardo a fini par quitter les lieux.
Le lendemain, Edouardo s’est réveillé épuisé dans son garage. Alors qu’il aidait à installer une transmission sur un Pick up, la police s’est pointée le nez dans son garage. Deux policières l’ont plaqué contre le mur. Elles lui ont passé les menottes. Edouardo apprend qu’Alma a fait une plainte contre lui pour voies de fait. Il a refusé les services d’avocats Edouardo. Il s’est senti beaucoup mieux en détention. Quelques jours après, il est remis en liberté sous conditions : Il devrait suivre une thérapie réservée aux hommes qui ont eu recours à la violence dans leurs relations conjugales. Il n’avait plus le droit, Edouardo, ni de communiquer directement ou indirectement avec Alma. Il lui a été interdit également de se retrouver à trois cent mètres de chez lui. Il lui a été interdit aussi d’avoir en sa possession une arme à feu et de s’abstenir de consommer des drogues, sauf sur ordonnances médicale, de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes.
Les policiers qui ont procédé à l’arrestation d’Edouardo et ceux qu’ils l’ont interrogé étaient visiblement surpris par la gentillesse de cet homme. Edouardo n’a pas d’antécédents judiciaires. À l’une des interrogations des enquêteurs, Edouardo a imputé sa blessure au front, à un accident au travail.
Tout au long de cet interminable processus judiciaire, Alma s’absentait à ses rendez-vous à la cour. L’enquêteur dans le dossier, lui a demandé de se présenter à son enquête préliminaire, mais elle ne s’était pas présentée. Il l’a imploré de se présenter une seule fois. Elle ne s’était pas présentée. Plusieurs dates d’audiences ont été reportées et finalement, l’avocat de la couronne propose une planche de Salut à Edouardo, il faut qu’il signe un 810. Son avocat de l’aide juridique lui explique qu’il n y’avait pas d’autres issues. Il ajoute qu’un procès est toujours long et risqué… Ces avocats-businessmans ont recours à des phrases tranquillisantes, comme, « vous n’auriez pas besoin de revenir à la cour ou d’être entendu par qui que ce soit, signez ce document et libérez-vous. »
Qui est responsable du déraillement de ce train de justice?
Les juges en premier. Il faut les dénoncer haut et fort ces guignols.
Ils favorisent ces juges défaillants le libre cours aux suggestions communes entre les représentants des deux parties sans s’assurer que les accusés ont volontairement et sans contrainte aucune accepté ce 810 : un plaidoyer réputé et efficace aux maux de têtes de nos tribunaux.
Il est à noter qu’elles sont nombreuses, même, très nombreuses ces personnes faussement accusées qui contractent le 810. Il se propage le 810 plutôt comme un virus qui atteint pleinement les hommes les plus vulnérables de notre société.
Devant ce fléau qui fait ravage au Québec, détruisant, parfois, familles et enfants, les juges font l’autruche, en enfouillant non pas la tête dans le sable, mais plutôt dans la boue. Ainsi qu’ils salissent la toge et l’épitoge, ce symbole de pouvoir un peu erroné.
N’est-il pas vrai qu’un juge de paix quand il reçoit une dénonciation, il fait comparaitre les parties devant lui et si et seulement s’il est convaincu par la preuve apportée que les craintes de la personne pour qui la dénonciation est déposée sont fondées sur des motifs raisonnables sans contrainte aucune, il ordonne ou accepte que le défendeur contracte l’engagement du 810.
Alors pourquoi, il le fait en absence de l’accusé? Pourquoi, il ne prend pas le temps de s’assurer que ce dernier n’a pas été forcé d’accepter un tel plaidoyer? Ces personnes faussement accusées misent entre le marteau et l’enclume : un avocat trop pressé pour passer à un autre dossier et un procureur qui vise d’obtenir une condamnation à tout prix. Cependant, c’est entre les mains des juges que se repose l’équilibre de la justice. Finalement sont-ils réellement conscients ces juges de cette sorte d’injuste imposée forcément au nom de la justice à des citoyens trop vulnérables financièrement pour se défendre?
L’article 810 est une déclaration de culpabilité déguisée.
Attention, le 810 ne le signez pas si vous n’avez rien à vous reprocher! Accrochez-vous à vos principes! Il faut être nombreux à ne pas le signer. Il faut être nombreux à le refuser, en rejetant cette sorte d’injustice. N’attendez surtout pas que ces juges vont se rendre compte d’eux même de la gravité de ce phénomène. Dénoncez cette pratique qui fait honte à notre système de justice.
De ma part, j’ai rompu ma relation de travail avec l’avocat d’Edouardo. Ce dernier a refusé catégoriquement de signer le 810. Maintenant, il va affronter la justice seul avec son silence et les absences répétées d’Alma à se présenter à la cour. L’histoire d’Edouardo va-t-elle réveiller la conscience de nos juges?
J’en doute fortement. Par contre, une prise de conscience citoyenne pourrait changer la donne. Dorénavant, je ne signerai plus de 810 aussi longtemps que je n’ai rien à me reprocher, me dit-il Edouardo avec un sourire défiant la crainte qui se dissipe de son corps progressivement.
Y-a-t-il une race au Québec?
« La science moderne a démontré que le concept de race ne repose sur aucun fondement biologique et qu’il s’agit en fait d’une construction sociale permettant la domination d’un groupe sur un autre. » Le racisme systémique…Parlons-en! Revue de la ligue des droits et libertés, édition juin 2022.
« Les faits qui mènent au présent appel sont relativement simples ». L’honorable, Stéphane D. Tremblay, juge de la cour du Québec, Jugement en date du 01 février 2024.
D’emblée, je cède la parole à ce juge de la cour du Québec, division administrative et d’appel, l’honorable Stéphane D. Tremblay. Il va vous résumer lui-même l’histoire d’un enfant âgé de 9 ans (Wassim) qui a interjeté appel de la décision rendue le 04 mars 2022 par l’honorable Guylaine Giguère, juge administrative de la commission d’accès à l’information de Québec (Dossier 1023593-J).
Tout d’abord, il convient de souligner que, lors de l’audience du 14 décembre 2023 (N : 500-80-042692-229), le juge Stéphane D. Tremblay de la cour du Québec a semblé afficher une certaine empathie envers cet enfant qui a saisi le tribunal en quête de rétablir un désordre de justice. L’honorable Stéphane D. Tremblay a même accepté la demande de l’appelant, celle de lui résumer le litige qui l’oppose aux services de la police de la ville de Montréal, le SPVM afin de l’assurer à tout le moins qu’il avait bel et bien pris connaissance du dossier avant même son arrivée à la cour. Toutefois, le juge Stéphane D. Tremblay s’est abstenu d’indiquer expressément qu’il ne comptait pas uniquement juger ce cas d’espèce, mais également envoyer un message clair quant à l’appartenance de tous les enfants issus de l’immigration, comme Wassim, au Québec.
Avant de débuter son récit, le Juge Stéphane Tremblay dressa sa posture et ajusta sa chaise au centre de son bureau en esquissant un sourire, puis il rapporta fidèlement les évènements au dossier qui lui ont été présentés :
Le 10 juin 2018, Wassim, un enfant Montréalais âgé de 9 ans jouait dans la cour de l’immeuble de sa résidence appartenant à une coopérative d’habitation où plusieurs familles cohabitent. Un voisin au nom de M. Boudreau traversa la cour, accompagné de son fils, quand il remarqua un sac de chips vide au sol. Lorsqu’il demanda qui l’avait jeté, son fils désigna à tort Wassim. L’homme, ramassa alors le sac aussitôt et se lança en direction de Wassim. Il l’attrapa violemment par le cou, ouvrit la fermeture éclair de son manteau, tira le collet de son chandail pour y faire une ouverture et lui glissa rudement le sac de chips à l’intérieur. Ensuite, il le traina à l’endroit d’une poubelle à proximité et ordonna au jeune garçon de jeter le sac de chips à l’intérieur. Tout au long de cette agression, Wassim pleurait, criait en demandant à son agresseur de le lâcher et qu’il avait terriblement mal au cou.
Une fois enfin libéré de l’emprise de M. Boudreau, Wassim rentra chez lui en courant. Sa mère fut effrayée par l’état de son enfant. Elle appela la police et en attendant leur arrivée, elle lui appliqua des compresses froides autour du cou pour atténuer la douleur. Les marques des doigts de l’agresseur bien flagrantes témoignent du degré de violence faite à l’enfant.
L’arrivée des policiers.
Deux policiers du SPVM, matricules 5518 et 7837 du poste de quartier 44 sont arrivés au domicile de la victime. Ils ont pu rencontrés cette dernière en présence de la mère et ont constaté l’état de choc dans lequel ils se trouvaient. Ils sont ensuite allés à la rencontre de l’agresseur et de sa conjointe puis sont retournés expliquer à la mère de la victime qu’il s’agissait d’un voisin et que la plainte risquait d’envenimer l’atmosphère du voisinage. Le matricule 5518 rapporte que la conjointe de l’agresseur était sincèrement navrée de ce qui était arrivé.
A ce moment des faits, le père de la victime était au travail. Les policiers ont demandé à la mère d’attendre le retour du père pour déposer la plainte. Néanmoins, ils lui laissent une carte et un numéro d’évènement (44-180610-013). Le suspect n’a pas été arrêté.
Le lendemain, le père appelle les policiers et insiste pour les rencontrer. Quatre jours après, les policiers reviennent chez lui. Cette fois le matricule 5518 était accompagné par le matricule 5830 du poste de quartier 44. Étrangement, ils veulent le décourager à déposer plainte. Un échange passe mal entre le matricule 5518 qui se montre condescendant et désagréable. Face au refus des policiers de prendre la plainte, le père de Wassim les a interrogés sur le rôle de la police. Le matricule 5518 lève le ton et le père de Wassim préféra mettre fin aux échanges.
Un rapport de police est rédigé et envoyé à Mme Mylène Bourdeau, sergent-détective enquêteur aux services des enquêtes de la Région-Nord de Montréal (MTLEV1800571645). Plusieurs mois se sont écoulés avant que le père n’apprenne par l’enquêtrice que le dossier avait été fermé. Mme Mylène Bourdeau, la sergente-détective s’est excusée de ne pas pouvoir aller plus loin dans l’enquête.
Demande du rapport d’incident aux archives de la SPVM.
Le père de Wassim a donc fait une demande aux archives et à l’accès à l’information du SPVM afin d’obtenir le rapport de l’incident. Il voulait savoir ce qui avait été inscrit au dossier pour que la plainte donne lieu à une fin de non-recevoir.
Dans le rapport, il est mentionné le type d’incident: « voies de fait, mais on ajoute (NIV 1) Niveau1. Le rapport minimise grandement l’agression. Il est noté à titre d’exemple et je cite : « une légère rougeur est perceptible au niveau du cou (au niveau du collet) ainsi qu’une légère marque à l’arrière du cou…Rougeurs observées par les policiers… prise de photo non nécessaire puisque les marques sont tellement légères que cela n’aurait pas été perceptibles. »
Aucune déclaration tenant compte de l’âge de l’enfant.
Pas de notes au calepin pour les policiers qui ont intervenus dans l’évènement.
Nous, n‘avons pas vu le sac de chips vide. »
Information complémentaire du rapport concernant la rencontre du père en date du 14 juin 2018.
Je cite : « Monsieur ne veut pas de médiation et désire une plainte. Monsieur trouve que nous prenons le dossier à la légère alors que nous avons offert une solution reliée à la médiation. Il va même jusqu’à insinuer que nous avons une partie prise pour le suspect… Nous avons senti que nous étions les accusés qui devaient défendre nos points de vue. Nous avons rompu la conversation. »
Et pour résumé leur rapport, le matricule 5518 a noté: Un voisin commet un voie de fait envers un enfant dans la cour d’une coopérative. Le père désire porter plainte.
L’interrogation de l’enfant Wassim vis-à-vis au rapport de l’incident.
Assis sur le canapé, le père déposa le rapport et se senti complètement impuissant face à cette injustice. Encore une fois, il encaissa péniblement le coup et poussa un profond soupir quand Wassim lui demanda « papa qu’est-ce que ça veut dire maghrébin? »
Wassim tenait le rapport dans ses mains. Son père qui venait juste de remarquer la présence de son fils sur le canapé fut frappé de mutisme… Le père pensif face à cette question s’interrogea dans le silence, pourquoi Wassim lui posait cette question? Quel enchainement y’avait-t-il avec le rapport de l’incident du SPVM ?
Et sans tarder, il se détacha de sa réflexion et il lui répondit :
_ « C’est les peuples qui habitent l’Afrique du Nord. »
Wassim n’avait jamais mis les pieds en Afrique. Il est blanc de peau et dans son imagination, tous les africains sont noirs. Il fut très surpris par cette réponse et demanda pourquoi on le rattachait à ces peuples lointains. Il montra à son père les deux premières pages du rapport, comportant des renseignements et des descriptions concernant les parties impliquées dans l’incident. Il est noté que Wassim est de race maghrébine et un peu plus loin, que la race du suspect est caviardée. Son esprit est alors assailli par une série de questions. Il s’interrogea aussi sur la race du suspect? Et d’ailleurs pourquoi, elle est censurée? Son père lui aurait-il caché quelque chose?
Le père de Wassim se sent dénué de toute substance. Que va-t-il désormais pouvoir dire à cet enfant qui n’a choisi ni ses origines ni son lieu de naissance? Cet enfant qui a toujours entendu son père lui dire qu’il était Québécois et qu’il devait être fier de l’être. Ce père qui voulait à tout prix épargner à son fils un suicide identitaire. Wassim a fait naître ses racines dans cette terre qui lui appartient et aujourd’hui, on cherche, au nom de l’état, à le déraciner.
En pensant à l’agression subie par son fil, le père de Wassim est envahi par une vague de reproches et de culpabilité. Le père de Wassim bouillonnait de l’intérieur. Tout ce qu’il avait tenté de construire vient d’être détruit par un agent de l’ordre servant un système corrompu. La hiérarchie qui venait de se mettre en marche déstabilisera cet enfant pour le restant de sa vie. Le père de Wassim s’excusa et serra son fils dans ses bras. Au bout du compte, il choisit de ne pas répondre à ses questions.
Coller une race à la peau de nos enfants afin de les réduire à un rang inférieur.
Le père de Wassim ne tarda pas à demander à deux reprises aux archives et à Accès à l’information du SPVM de lever le voile sur la partie caviardée du rapport, celle de la race du suspect et de sa conjointe. Il voulait mettre en évidence le racisme systémique présent au Québec. Le 24 février 2020, il reçut un rejet (Réf: 20-143059). Il était noté qu’en vertu des articles 28, 31, 53 et 59 de la loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la race du suspect et de sa conjointe faisait partie de ces renseignements qui ne peuvent être communiqués.
Le 12 mars 2020, le père de Wassim et en vertu de l’article 135 de la loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnel envoie à la Commission d’accès à l’information du Québec une demande de révision. Le 17 décembre 2021, lors d’une rencontre virtuelle, la demande a été entendue devant la juge administrative, Mme Guylaine Giguère. Le père de Wassim explique à la juge que le suspect est un voisin qu’il connait très bien depuis plusieurs années. L’information demandée ne pouvait donc en aucun cas nuire à une enquête ou quoi que ce soit. L’enquête elle-même a été classée sans suite. Il précise au même titre qu’il n’avait aucune envie de poursuivre l’agresseur devant les tribunaux. Il ajoute que l’agent de l’ordre n’a pas compétence pour définir ni la race des individus impliqués dans des évènements ni l’origine des résidents d’un état. La race n’est pas une couleur de peau ou de condition physique déterminante. Ici, dévoiler la race du suspect et de sa conjointe n’est pas susceptible de nuire ou compromettre le cours d’une enquête ou la vie d’une personne. Après réflexion, il s’agissait d’un préjudice non fondé qui pouvait être faux et mensonger.
Madame la juge Guylaine Giguère, mal à l’aise, a laissé échapper un rire jaune, sans éclats. Elle confirma aux présents qu’il s’agissait d’une question qui incombe plutôt au rôle du politique. Me Keith Riti, avocat de la ville, division des affaires policières-affaires juridiques a fini sa course de plaidoirie quasiment apprise par cœur et peu convaincante. Il jonglait Me Keith Riti avec les articles de lois dans son spectacle. Il ressemblait à ces jongleurs qu’on croise dans les intersections des rues de Montréal en quête de pièces de monnaies. Ses témoins, deux responsables des archives du SPVM, M.Benoit Robitaille et M.Frank Lombardo attendaient avec impatience la tombée du rideau et la déconnexion de la salle virtuelle. Nous sommes dans la période de la covid 19.
La juge Guylaine Giguère avait mis le dossier en délibéré en promettant d’aller jeter un coup d’œil sur ce qui avait été caviardé dans le rapport d’incident.
Le 04 mars 2022, la demande de révision du père de Wassim devant la commission d’accès à l’information avait été rejetée.
Appel devant la cour du Québec.
Le 04 avril 2022, Wassim a 14 ans, le temps passe vite. Le père se demande comment il pourrait participer à épargner à ces millions d’adolescents ce vide qui se creuse de plus en plus devant eux. Le père de Wassim avait fait appel à la cour du Québec, en s’appuyant sur le paragraphe 9 du 2e alinéa de l’article 59 de la loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Le tribunal pouvait exceptionnellement permettre à l’appelant d’avoir accès à un tel renseignement puisqu’il s’agit d’une personne directement impliquée dans l’évènement visé.
Lors de l’audience du 14 novembre 2023, le juge Stéphane D. Tremblay de la cour du Québec demande à l’appelant pourquoi ce dernier insiste pour obtenir cette information sur la race, alors qu’il pourrait interpeller des politiciens qui sont concernés par la question. L’appelant explique à la cour que la justice doit participer lorsqu’il s’agit de rétablir l’ordre au sein d’une société. Le pouvoir discrétionnaire du SPVM est discutable devant ce tribunal. Il ajoute que le fait de cataloguer des citoyens dans des cases est injuste et la cour doit contribuer à éliminer ces écarts.
Me Ghislain Ouimet, avocat de l’intimée, du SPVM, s’est montré prudent en s’appuyant sur les articles déjà mis en exergue. Il les greffe à des jurisprudences additionnels. Il renvoie librement l’honorable juge Stéphane D. Tremblay à se référer aux articles de lois. Toutefois, l’appelant rappelle à la cour son devoir d’impartialité et de bonne foi. Les lois ne sont pas figées dans le temps, elles sont faites pour évoluer avec la société. Enfin, le père de Wassim, indique qu’il a confiance en la justice québécoise.
Le 01 février 2024, l’honorable juge Stéphane D. Tremblay rend sa décision. Il conclut que le SVPM pouvait exercer sa prérogative pour faire prévaloir le principe de la confidentialité. Il rejette l’appel en condamnant le père de Wassim à payer les frais de « l’injustice ».
Le père de Wassim est tombé malade. Il est resté cloué au lit, incapable de se lever pour aller au travail. Depuis, il souffre d’insomnies. Les nuits, il déchire le silence par des vagues de mots à la frontière du délire. Il complète sans cesse les arguments qui lui manquaient lors de ses nombreuses interventions depuis le début de cette affaire. Dans ces sorties nocturnes, il s’adresse directement à la juge Guylaine Giguère, en lui demandant qu’est-ce qui la fait rire lors de l’audience? Il reproche également à l’honorable Stéphane D. Tremblay son loyalisme colonial malgré la nuit des temps. Au matricule 5518 du poste de quartier 44, pour le père de Wassim, il ne pourrait être qu’un Spitz ou encore un Beauceron primitif. Il déplore son arrogance, son manque de respect, son abrutissement … La maman de Wassim se réveille. Elle se glisse de son lit en douceur et s’en va dormir au salon. En fermant la porte de la chambre d’arrière elle, le père de Wassim l’entend dire : Dieu ayez pitié de lui…
Rencontre avec Bochra Manaï, Commissaire à la lutte aux racismes et aux discrimination systémiques de la ville de Montréal.
Le père de Wassim reprend doucement ses forces. Il demande à rencontrer, Madame Bochra Manaï, Commissaire à la lutte aux racismes et aux discriminations systémiques de la ville de Montréal. Wassim, en plus d’être québécois, est indiscutablement montréalais. Son père exerçait en tant que taxi, ses longues études menées dans un autre pays n’étant malheureusement pas reconnu au Québec. Wassim l’accompagnait dans ses trajets. Montréal, Wassim la connaissait mieux que n’importe qui, « Vous ne pouvez pas, non plus, lui enlever ça » disait le père de Wassim. Il va donc la rencontrer, Madame la Commissaire et vider ce trop-plein qu’il n’arrive plus à supporter.
Le 05 mars 2024, le père de Wassim franchit le seuil d’une annexe de l’hôtel de Ville de Montréal. Madame Diaka Cisse, adjointe de direction de la commissaire à la lutte aux racismes et aux discrimination systémiques de la ville de Montréal descend l’accueillir et le conduit dans une salle superbement éclairée où Madame Bochra Manaï l’attendait. Elle était ravissante la Commissaire à la lutte aux racismes et aux discrimination systémiques. Ses cheveux gris cendrés tombaient en cascade sur ses épaules rafraîchissaient une jeunesse qui maintient encore le cap. Le père de Wassim lui raconta son récit et implora son aide. Madame Bochra Manaï est motivée à défendre cet enfant.
Madame Bochra Manaï indique au père de Wassim qu’elle aussi a un « Wassim » chez elle. Elle se plaignait également du racisme et le père de Wassim n’a pas été surpris de l’entendre de la bouche de la Commissaire. Toutefois, elle tentait de justifier la technicité autour de l’autoidentification et l’identification raciale dans une ville comme Montréal. Le père de Wassim lui reproche de ne point saisir l’enjeu de cette pratique sur les générations au Québec. Bien que Madame la Commissaire Bochra Manaï ait montré d’un mouvement de tête son accord, elle revient à la charge avec différents scénarios où des personnes noires, voilées, asiatiques, magrébines sont victimes de racisme… « La race c’est le processus de racialisation qui fait qu’il y a des personnes qui vivent des choses inévitables. » Elle disait, Madame la Commissaire qu’elle en a besoin d’identification, de statistiques pour faire son travail et être en mesure de réagir face aux injustices « Parce que si j’ai 50% des personnes qui échouent à des entrevues et que ça donne que ces personnes-là se sont identifiés comme une minorité visible ou comme femme; pour moi c’est une information dont on a besoin socialement pour dire : hummmm, quels sont les réels problèmes dans ces recrutements? »
Le père de Wassim avait du mal à suivre la commissaire. Il lui parle de Wassim, un Québécois, et elle lui parle de personnes immigrantes. Il lui demande de faire un effort de mettre de côté ses études en urbanismes, en géographie urbaine, en migrations et relations interethniques. Il tente de lui expliquer que ce n’est pas la même chose. Madame Bochra Manaï ne se sentait pas à l’aise. Elle flairait plutôt une attaque contre elle. Les rayons du soleil se retirent de son visage. « Je ne suis pas le président de la commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, » dit-elle. Sa patience se lâchait graduellement: « je vous recommande Monsieur d’aller rencontrer le président de la commission des droits de la personne et je parlerai de votre cas au directeur des services de la police de la ville de Montréal. »
Elle conduit le père de Wassim à l’ascenseur et en lui serrant la main, elle lui souhaita bonne chance. Les portes se referment aussitôt.
Après cette rencontre, le père de Wassim ne voulait plus rentrer chez-lui. Ses pieds s’enfonçaient dans la neige sous le poids de son corps. En traversant la rue Notre-Dame, il parlait encore le père de Wassim à Madame la commissaire, il l’engueulait comme si elle était son ennemi juré et pourtant, elle n’y est pour rien madame la Commissaire. Rendu à la place Dauversière, quelques touristes déambulant sur la voie publique le regardaient avec méfiance. Il levait les yeux, le père de Wassim un peu plus haut à sa gauche, Il aperçoit la fenêtre du bureau de la Mairesse, elle était fermée. Son visage se transforme en tête d’enterrement. Il baisse relativement le ton et poursuivait sa marche: « elle sait madame, Valérie Plante, comment avancer ses pions en première ligne et attendre ». En le prononçant, il crache en direction de l’hôtel de ville. Il continuait à descendre d’un pas trainant vers le fleuve du Saint-Laurent. Ce dernier soufflait un air humide. La vision du père de Wassim est embrouillée. Ses paroles ruisselaient fluides sur la surface du fleuve qui se réveille dans ce début de printemps. Il lui parle le père de Wassim : c’est par tes voies que les colons sont venus finalement pour installer la confusion et la division sur cette terre mère de mes enfants.
À suivre….
Les conciliations en déontologie policière sont-elles arbitraires et qu’est-ce qu’il dit le Ministre de la sécurité publique, M. François Bonnardel ?
Des policiers de la sureté du Québec violent des droits inaliénables, sacrés, mais ils les violent au nom de qui?
La famille McSween: Jason, Albert et leur chien « Garçon » à la salle du conseil de l’hôtel de Ville de la ville de Disraeli, le 7 février 2024.
Par Hadj Zitouni, porte-parole
Mouvement Action Justice, un organisme en défense des droits
15 février 2024
Un couple contraint de quitter la région de la Montérégie après l’intrusion illégale d’agents de la Sûreté du Québec dans leur domicile. L’intervention policière a couté aux époux cinq côtes fracturées et un orteil en plus avec une sensation de bulle en permanence. Le couple s’est réfugié sur le flanc d’une montagne très éloignée dans le Nord-Est de Montréal pour tenter de refaire leur vie et peut-être un jour d’oublier ce qu’ils leur étaient arrivés.
Peter M. un ex-policier, enquêteur aujourd’hui à la déontologie policière fut désigné pour mener une enquête dans ce dossier. Il nous a donné rendez-vous à l’hôtel de ville de la ville de Disraeli, approximativement à 20 minutes de route de la nouvelle résidence du couple McSween. Ce dernier nous a livré un témoignage accablant, rempli d’émotions.
Le droit au respect de la vie privée est inaliénable.
Le couple Jason et Albert, la famille McSween était confortablement assise sur leur canapé du salon. Ils regardaient la télévision quand des coups exaltés à l’état de l’hystérie se sont succédés à leur porte. La sonnette était hors d’usage. Jason ne supportait plus son bruit. Mais à ces cognements explosifs, la première réaction de Jason était de se réfugier dans la chambre à coucher. Recroquevillé dans un coin, il tremblait comme une feuille et bien qu’il eût tenté de se boucher les oreilles, le bruit assourdissant l’atteignait en coup de tonnerre. Jason s’accrochait à sa vapoteuse, il aspirait à fond, le drip tip brulait ses lèvres. Il n’arrivait pas à se calmer et il était encore loin d’être guérie d’une agression précédente qui lui a causé un trouble de stress post-traumatique sévère.
À cette visite surprenante, Albert est allé en trébuchant ouvrir la porte d’entrée de son logement. En s’y approchant, il entendait des voix qui se succédèrent presque dans les mêmes termes : C’est la police ouvrez la porte tabarnak, crisse, sinon nous allons la défoncer ».
Albert n’a pas tardé à ouvrir la porte, mais à peine après avoir actionné la serrure et tourné le verrou, la porte le projeta en arrière. Il se souvient de trois policiers ou quatre qui ont brutalement fait éruption dans son logement. Il se rappelle également d’avoir été soulevé dans les airs puis, d’être projeté, la tête en premier sur les marches de ses escaliers. Il ne réalisait pas encore ce qu’il lui arrivait. Quand les policiers de la sûreté du Québec de la Montérégie, district sud ont tenté de le menotter, il criait fort en les informant qu’il porte une attelle au poignet et qu’il a eu une chirurgie au niveau de l’épaule. De ce fait, il ne pouvait pas obtempérer à l’ordre de tourner le bras en arrière du dos. Or, les agents de la SQ ont poussé un peu fort et Albert fut menotté. Une douleur vive, atroce s’est accentuée au niveau de son thorax. Elle lui faisait oublier le mal de son épaule. Albert ne se rendait pas compte que cinq de ses côtes venaient d’être brisées sur les marches d’escaliers.
Jason avait entendu les cris de détresse de son conjoint. Il était devenu furieux. En se déplaçant d’une pièce à l’autre. Il ne lâchait point sa vapoteuse qui s’agrippait à ses lèvres chaque fois que ses poumons se vidaient.
Soudain, Jason croisa un policier à l’entrée de la cuisine. L’air affolé, le policier pointa Jason avec une arme. Il lui cria de lâcher l’objet qu’il avait en main, sinon il allait lui exploser la cervelle. Jason ne sentait plus ses jambes. Il tenta en vain de désigner une ordonnance médical aimantée à la surface du frigo. Il s’accrocha encore un instant au mur puis ses bras vidés de toute force tombèrent le long de son corps. Le policier rangea son arme et fonça sur lui en l’écrasant sur le mur. La tête de Jason heurta la paroi cloisonnée puis il s’effondra au sol. Deux autres policiers étaient arrivés en renfort. L’un un peu trop excité marcha sur le pied de Jason.il s’immobilisa un instant. Le poids de son corps chancela dans un déséquilibre. Il descend sur un orteil. Il le brise en deux. Un hurlement puis rien.
Les droits de la famille McSween sont violés en vertu de la Charte canadienne et quoi encore?
Les voisins de Jason et d’Albert ne sont pas à leur premier appel d’appeler la police. Ils se plaignaient des bruits de chicaneries. Ce jour-là, il y avait effectivement une dispute de couple. Cette fois-ci, c’était pour les frais d’une épicerie. Jason reprochait à Albert des dépenses inutiles. Une chamaillerie qui arrive souvent dans la vie des couples. Jason s’est protesté à voix haute. Albert avait riposté en justifiant les dépenses. Quelques minutes après, les tourtereaux étaient réconciliés et se sont assis tranquillement devant une émission de télé, l’un dans les bras de l’autre. Le couple construisait un amour à leur image loin des regards. Ils ne cherchaient rien d’autre que de s’aimer. Les voisins chuchotaient, murmuraient, guettaient les vas et vient de la famille McSween, même la nuit ils les épiaient à la loupe. Cet amour piquait au vif la curiosité des voisins. Ce genre de couple les dérangeaient, les énervaient…Auparavant, les policiers de la SQ de la Montérégie Sud avaient déjà visité les McSween pour une histoire de projecteur (spotlight) allumé en permanence. Jason ne supporte pas le noir. L’obscurité augmente son stress. Les voisins cherchaient à tout prix à la faire éteindre la nuit et pour de bon.
La famille McSween n’a aucun casier judiciaire, aucune trace de violence, sinon à la moindre chicane, les voisins ont une jouissance à se plainer et appeler la police.
Lors de ces interventions démesurées, les policiers de la SQ ne prenaient aucune précaution, aucune prudence. Ils fonçaient dans l’intimité du couple, ils fouillaient leur logement, ils les interrogeaient, ils les harcelaient … puis ils quittèrent les lieux en mettant toute la chambre, le salon, la cuisines en désordre.
Quand les agents de la SQ ont trainé Jason à son tour à l’extérieur, les voisins étaient accoudés à leurs balcons. Ils consommaient le spectacle de l’humiliation. Une quatrième voiture de patrouille arriva. Conclusion, les suspects, Jason et Albert sont relâchés aucune charge ou contravention a été notée. Toutefois à la toute dernière minute, les policiers de la SQ de la Montérégie Sud ont décidé de séparer le couple, interdisant à Jason de retourner à son logement. À ce moment précis, Jason avait un besoin criant de rentrer chez lui, d’étreindre son conjoint dans ses bras… Hormis, la police de la SQ a décidé autrement. Jason était conduit chez sa mère en voiture de patrouille contre son gré à plusieurs kilomètres de son domicile conjugal. Devant le seuil de cette mère ébahie par la présence policière à une heure aussi tardive, Jason s’est senti profondément humilier, abaisser. Il franchissait la porte en boitant.
Le lendemain, Albert a reçu la visite de deux sergents de la SQ. Ils sont venus s’excuser.
Quelques jours après, la famille McSween décida de plie leurs bagages et partir. L’expérience demeurait terrifiante. Le couple quitta les voisins, le poste de la SQ de la Montérégie sud, quartier, ville… presque tout ce qui voulait éteindre leur amour, leur bonheur. Persécutions et répercussions ont eu le dessus sur les McSween. Quand ceux qui sont supposés de les protéger, les agressent, violent leur dignité et leur honneur, le chemin du départ et l’effacement deviennent une libération.
Les McSween ne parviennent pas à oublier.
Jason et Albert se sont réfugiés dans la région de la Chaudière Appalaches sur le flanc d’une montagne. C’est de là qui m’ont appelé pour enregistrer leur plainte au bureau de la déontologie policière. L’écho de cette dénonciation parvient au bureau de la commissaire. Celle-ci déclencha une enquête administrative. Peter M, un ancien policier fut désigné enquêteur. Les McSween ont été convoqués à l’hôtel de ville de la ville de Disraeli, lieu de rencontre, pas loin de leur nouvelle demeure. Albert a livré un témoignage précis, accablant et sans détours.
Quand c’était le tour de Jason de témoigner, l’enquêteur Peter M. lui a coupé la parole à plusieurs reprises. Il cherchait à le rassurer, mais Jason avait beaucoup de difficulté à garder son calme. Son témoignage fut empreint de douleurs déchirantes. Il n’arrêtait pas de pleurer. Il revivait pleinement les moments de l’intervention policière. Il avait vraisemblablement trop souffert.
Nul ne ment autant qu’un policier.
Ils ne sont pas tous des menteurs les policiers, mais ils finissent par le devenir, surtout quand ils sont pris dans l’étau. Dans ce dossier qui porte le numéro d’évènement (099221208004). Peter M. l’enquêteur à la déontologie policière, nous apprenait que les quatre policiers mises en cause, Lefrancois, Dion, Rousseau, Bacon se sont mis d’accord pour dire qu’une fois arrivé au domicile des McSween, ils ont entendu : lâche-moi, lâche-moi …
Entendant cette déclaration, le couple McSween n’en revenait pas. Il s’est demandé où les policiers sont allés chercher un tel mensonge?
Même les menteurs policiers les plus aguerries, une fois devant les tribunaux, ils risquent d’être trahis par leurs mensonges. La noirceur des magistrats au Québec et ailleurs se rendent compte de cette constatation affligeante. Car le principe de l’inviolabilité du domicile ou de la violation de la vie privée est durement négociable. Voilà pourquoi, les quatre policiers sont allés chercher se fondement pour se protéger. Tous les policiers sans exception ont ces dispositifs à la porter des doigts pour s’en sortir en cas d’être épinglés.
Selon la charte des droits et libertés, vous avez droit à votre vie privée et votre demeure est inviolable. La demeure est peut-être le lieu le plus privé d’une personne où les policiers ne sont pas forcément les bienvenus.
Constat final.
Sur ce flanc de montagne au Nord-Est de Montréal, un refuge et une quête de paix, le couple McSween, dans un paysage coupant le souffle, apprenait à vivre de nouveau. Jason a remplacé sa vapoteuse par un chien de thérapie. Ses crises d’angoisse démunissaient considérablement. Alors qu’Albert, une fois de plus, se prépare pour reprendre ses études. Et les deux amoureux espèrent que leur histoire serve à remettre le principe de l’inviolabilité du domicile au premier plan. Les policiers du SPVM, le service de la police de la ville de Montréal sont réputés également champions en matière des intrusions illégales.
L’honorable Steven Guilbeault et le prix à payer pour être ministre
La reprise de la mission de Mouvement Action Justice (MAJ) dans ses nouveaux locaux a Fullum-Harmony fut marquée par la visite d’ouverture de l’honorable Steven Guilbeault, Ministre de l’Environnement et du changement climatique du Canada. Le Mouvement Action Justice venait tout juste de rejoindre le projet de Fullum-Harmony lorsque plusieurs organismes ont manifesté leur volonté de se rassembler sous une enseigne utilitaire afin de mieux servir la population à travers le Québec. L’atterrissage au pied de cet étendard s’est fait en douceur, sans complications majeures. Au sein de l’espace Fullum-Harmony, nous occupons dorénavant les chambres des frères du Sacré-cœur. Nous baignons encore et d’une manière étrange dans la présence mystique de l’absent.
Acheté à vil prix par les hyènes de l’immobilier, la demeure à caractère religieux est rapidement transformée en bureaux pour des locations à long terme, salles de réunions et espaces communautaires… Toutefois, malgré ce virage amorcé en guise d’aide aux citoyens, le sanctuaire conserve encore les empreintes d’un mutisme qui pèse lourdement malgré le vrombissement des nouveaux occupants.
L’honorable Steven Guilbeault n’a pas tardé à aller à la rencontre de ces organismes à but non lucratif désormais dans sa circonscription, Laurier-Sainte-Marie, probablement dans l’optique de connaitre ces nouveaux occupants, gagner leur confiance, leurs voix. A cet effet, l’honorable Steven Guilbeault, a rendu visite à au moins deux organismes à Fullum-Harmony : le CRIC, carrefour de ressource en interculturel qui vient en aide aux personnes nouvellement arrivées au Québec et notre organisme, le MAJ, Mouvement Action Justice, un organisme en défense des droits. Le CRIC avait d’ailleurs réservé à cette occasion un accueil chaleureux au ministre de l’environnement et du changement climatique du Canada, qui avait l’air content.
Le militantisme et l’engagement citoyen de l’honorable Steven Guilbeault sont remarquables. Vingt-cinq ans de militantisme écologique et une lutte acharnée pour faire face aux changements climatiques sont autant d’éléments démontrant que la protection de notre planète est au cœur des préoccupations de ce leader. Néanmoins, la nécessité d’opérer ce virage vert en urgence demeure un défi de génération ! Mais l’entrée en politique de l’honorable Steven Guilbeault en 2019 l’a légèrement fait dévier de sa trajectoire initiale. Lors de sa visite du 10 novembre 2023 dans nos locaux, le Mouvement Action Justice l’a interrogé à ce sujet. L’honorable Steven Guilbeault nous a offert une réponse très directe, sans détour et remarquablement sincère. En inclinant légèrement sa tête vers le sol, le ministre de l’environnement et du changement climatique du Canada nous a indiqué: « en politique, il faut faire des concessions, sinon ce n’est pas la peine d’y aller. »
La réponse de l’honorable Steven Guilbeault remet en question le principe de l’engagement militant : est-ce qu’on peut trahir nos principes, nos valeurs après avoir été élu par le système démocratique ?
Selon l’honorable Steven Guilbeault, il faut se lancer dans l’arène politique si on veut que les choses bougent et pour cela, il y a un prix à payer. Monsieur le ministre n’avait pas l’air très fier et satisfait. Toutefois, il assume avoir renoncé à certains de ses principes qu’ils lui sont chers en se défendant du mieux qu’il pouvait. Ses arguments restent malheureusement questionnables.
Les militants de Mouvement Action Justice ont eu plaisir à discuter avec l’honorable Steven Guilbault, ministre de l’environnement et du changement climatique du Canada. L’homme était remarquablement humble, franc et direct. Il s’est finalement éclipsé avec un sourire laissant en suspens la question de savoir si un militant engagé peut partialement ou totalement délaisser ses valeurs et principes une fois rendu en politique.
Le Mouvement Action Justice préfère ne pas répondre à cette question et donne libre cours à la réflexion personnelle des lectrices et lecteurs.
Hadj Zitouni, porte-parole
Un projet de loi aux dépens des victimes d’abus policiers
Article du journal Le devoir: « Un projet de loi aux dépens des victimes d’abus policiers. »
Image obtenue à partir de l’article susmentionné.
Jacques Nadeau archives Le Devoir Un projet de loi visant à réformer la Loi sur la police ne permettra plus à des tiers d’adopter le statut de plaignant.
Crédits d’article au journal Le devoir : https://www.ledevoir.com/societe/796621/abus-policiers-un-projet-de-loi-aux-depens-des-victimes-d-abus-policiers
Bien que les plaintes déposées par des tiers au nom de victimes ne représentent qu’un petit pourcentage des dossiers traités par le Commissaire à la déontologie policière, ces plaintes donnent le plus souvent lieu à des sanctions. Pourtant, le projet de loi visant à réformer la Loi sur la police ne permettra plus à ces tiers d’adopter le statut de plaignant. Plusieurs organismes ainsi que Québec solidaire craignent que ce changement n’empêche des policiers délinquants de faire face au Comité en déontologie.
Par exemple, sans l’aide d’un citoyen inconnu, les agents impliqués dans la mort de David Tshiteya Kalubi, décédé en détention à la Cour municipale à Montréal, en 2017, n’auraient jamais été condamnés.
Ce fut une surprise, mais surtout un soulagement pour la mère de M. Kalubi, Mbombo Tshiteya, lorsqu’elle a reçu l’appel d’Alexandre Popovic, de la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP), pour lui annoncer qu’il avait lui-même déposé une plainte déontologique contre les policiers impliqués dans le décès de son fils. Alexandre Popovic figure d’ailleurs parmi les plaignants les plus prolifiques du système de déontologie policière au Québec.
« Je me suis dit : “Enfin, il y a quelqu’un qui nous a entendus pendant qu’on hurlait, qu’on ruminait intérieurement et qu’on était broyés par la tristesse qu’on ressentait. Il y a des gens qui ont compris ça !” » s’exclame Mme Tshiteya, en entrevue avec Le Devoir.
Les agents ont été condamnés le 31 janvier dernier par le Comité de déontologie policière, qui les a reconnus coupables « de négligence et d’insouciance à l’égard de la santé et la sécurité de monsieur Kalubi », ainsi que d’avoir « présenté une déclaration qu’ils savaient fausse et inexacte au BEI [Bureau des enquêtes indépendantes], qui tentait d’éclaircir les circonstances du décès de monsieur Kalubi à la suite de leur intervention à son endroit ».
Le jeune homme de 23 ans a en effet été retrouvé sans vie dans sa cellule le matin du 8 novembre 2017 après une attaque cardiaque. Bien qu’il eût indiqué qu’il souffrait d’anémie falciforme et qu’il avait besoin de ses médicaments, cela n’a jamais été noté par les policiers dans son formulaire d’admission destiné à la cour, a reconnu le comité dans sa décision.
« Ça, c’était émouvant pour moi. On avait la réponse : ils sont coupables », soupire Mme Tshiteya.
Vers un nouveau système de signalements
Les modifications proposées par le projet de loi 14, déposé en mars par le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, seront à l’étude l’automne prochain. Ces changements empêcheront notamment des plaignants tiers comme Alexandre Popovic de porter plainte au nom de ceux qui meurent à la suite d’une intervention policière. Seuls les victimes ou les témoins directs d’une intervention seraient désormais en mesure de déposer une plainte. M. Popovic craint que ce changement ne fasse que réduire la possibilité pour des familles de victimes comme M. Kalubi d’obtenir justice.
Le projet de loi prévoit que les personnes effectuant un signalement au nom d’un tiers ne bénéficieront plus des privilèges accordés aux plaignants, comme le droit d’ordonner une révision d’une décision, d’être informés de la raison pour laquelle leur demande d’enquête a été rejetée, ainsi que le droit de suivre le déroulement d’une enquête.
M. Popovic prend le statut de plaignant tiers depuis plus d’une vingtaine d’années et a souvent demandé la révision des décisions rendues par le Commissaire à la déontologie policière.
« C’est une chose de décréter une enquête, mais c’est une autre chose de faire une enquête complète », dit-il. « Moi, je veux voir si l’enquête a été faite correctement. […] La confiance, ça rime avec la transparence », lance M. Popovic.
Il estime en effet que les quatre policiers impliqués dans la mort de Koray Kevin Celik, en 2017, n’auraient jamais été cités à comparaître devant le comité de déontologie pour usage excessif de la force. Après avoir mené une enquête, le Commissaire à la déontologie policière n’a pas recommandé que des accusations soient déposées.
« Si le projet de loi 14 avait été en vigueur à ce moment-là, je n’aurais pas pu demander au Comité de déontologie policière de faire la révision de cette décision », explique Alexandre Popovic.
« Ils n’ont pas parlé avec les parents qui ont été témoins », ajoute-t-il, en notant que l’enquête a seulement cité les déclarations des enquêteurs policiers et du BEI. Il attend avec impatience le verdict du comité.
Le cabinet du ministre Bonnardel a fait savoir par courriel au Devoir que le projet de loi vise à réduire les délais, pour que davantage de causes soient entendues.
« Toute personne qui souhaite porter à l’attention de la commissaire un comportement répréhensible d’un policier pourra le faire, a écrit Geneviève Tremblay, conseillère au cabinet du ministre. Toutefois, nous proposons de donner un privilège exclusivement à ceux qui sont directement impliqués dans une situation afin qu’une enquête soit effectuée systématiquement. »
Le Commissaire à la déontologie policière n’a pas souhaité accorder d’entrevue au Devoir au sujet du projet de loi, préférant attendre son adoption. Cependant, en avril dernier, la commissaire, Mélanie Hillinger, a salué en commission parlementaire le nouveau système de signalement proposé par le ministre Bonnardel, tout en notant qu’il fallait des ressources additionnelles pour assurer l’implantation des réformes.
« Une plainte déposée par un plaignant ou un signalement fait par un signalant seraient traités avec la même rigueur », a tout de même tenu à souligner par courriel Me Michelle-Audrey Avoine, porte-parole du Commissaire à la déontologie policière. Elle précise que les plaignants directs auront encore le droit d’être accompagnés par des organismes communautaires dans la rédaction et le dépôt de leurs plaintes, ainsi que durant les séances de conciliation.
L’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) est elle aussi favorable à un système de signalements. « Le Commissaire peut déclencher une enquête », souligne le directeur général de l’association, Didier Deramond.
Pourcentage qui porte ses fruits
En 2020, dans le cadre des consultations organisées par le gouvernement pour une réforme majeure du système policier, le Commissaire à la déontologie policière a déposé un mémoire dans lequel il indique qu’un plaignant tiers (qui n’a pas été identifié) a déposé 261 plaintes entre 2015 et 2020. « 48 % [des plaintes formulées par cette personne] ont fait l’objet d’une enquête, et plus d’un tiers de ces enquêtes menées se sont conclues par le dépôt de citations devant le Comité, le Commissaire estimant avoir une preuve suffisante pour permettre d’établir un ou des manquements déontologiques », indique-t-il.
Selon une étude menée par le Département de criminologie de l’Université de Montréal en 2021, alors que les dossiers portés par des plaignants tiers ne représentaient que 3,2 % de l’ensemble des dossiers déposés en déontologie policière entre 2015 et 2020, ils représentaient 27,3 % des dossiers ayant mené à une citation devant le Comité de déontologie policière. De plus, 44,4 % des dossiers qui ont entraîné une sanction pour le policier impliqué dans l’événement ont été déposés par un plaignant tiers.
Selon la même étude, ce sont souvent des proches qui portent plainte : 209 Québécois ont ainsi déposé une plainte sans avoir été témoins de l’intervention. Alexandre Popovic estime que l’impossibilité pour des tiers de porter plainte en déontologie va « favoriser une plus grande impunité policière au Québec ».
Le responsable de la clinique juridique Mouvement action justice, Hadj Zitouni, craint quant à lui que certains citoyens décident de ne plus porter plainte si le projet de loi est adopté. M. Zitouni représente souvent des victimes d’abus policiers qui ne souhaitent pas adopter le statut de plaignant.
« Quelqu’un qui est traumatisé, il ne peut pas porter plainte », fait-il valoir, précisant que les personnes qui se présentent à son bureau manquent d’expertise, ont peur des représailles ou ne sont simplement pas dans un état pour défendre leurs droits.
« Ce ne sont pas toutes les victimes qui peuvent le faire, ajoute M. Zitouni. Parce qu’il y a des itinérants, et des personnes qui meurent entre les mains du policier, puis qui ne portent pas plainte. Ou qui n’ont pas de famille. Qui va le faire à sa place, qui va [porter plainte] ? »
De son côté, Québec solidaire se dit prêt à se battre pour que le projet de loi soit amendé. « Il faut conserver le système actuel afin de s’assurer que les familles et proches des victimes décédées peuvent maintenir leurs recours à porter plainte », implore le député solidaire Andrés Fontecilla, porte-parole en matière de sécurité publique.
« S’il existe un Comité de déontologie policière, c’est justement pour permettre de consolider la confiance de la population envers les services policiers, déplore-t-il. Si la population perçoit qu’on a un système biaisé, qui est à l’avantage des policiers, et qu’il discrédite les plaintes déposées par les citoyens, la confiance dans les services policiers va diminuer. »
Convocation à l’Assemblée Générale Ordinaire 2023
Le conseil d’administration de Mouvement Action Justice a le plaisir de vous convier à la prochaine Assemblée générale de notre organisme, le samedi 17 juin 2023 à 11h00, dans la salle de conférence Henri Barnabé, 4245, avenue Laval, Montréal, H2W 2J6.
Note : l’assemblé générale annuelle 2023 de MAJ aura lieu en présentiel et en visioconférence via Zoom.
Veilleur nous contacter en avance afin de confirmer votre présence et pour des renseignements concernent votre participation.
La déontologie policière : l’insupportable épreuve du processus.
Par Hadj Zitouni, Porte-parole du Mouvement Action justice
Le 3 avril 2023
Alexandre Popovic, porte-parole de la CRAP, Coalition contre la Répression et les Abus Policiers et Hadj Zitouni, porte-parole de MAJ, Mouvement Action Justice. Discussion, lors de la Manifestation contre la brutalité policière du 15 mars 2023.
«La déontologie policière, c’est une machine à rejeter des plaintes » Alexandre Popovic, porte-parole de la CRAP.[1]
Le 18 novembre 2021, une date qui est à marquer au fer rouge pour Vanessa C[2]. Elle n’est pas prête à l’oublier. Agressée et violée à plusieurs reprises par son ex-chum, elle avait fini, Vanessa C, par composer le 911. Elle voulait dénoncer son agresseur et demander de l’aide. Le SPVM a répondu à l’appel. La mère de Vanessa C ne voulait pas la garder chez elle. Histoire d’un conflit mère-fille qui persistait tant bien que mal. Désaccords et querelles interminables, voilà comment, Vanessa C. s’est retrouvée dans la rue. Elle a demandé à son ex-chum de l’héberger le temps de trouver un toit.
Vanessa C. a toujours été malade. Elle est vulnérable, brisée en petits morceaux. De nos jours, elle est suivie en santé mentale.
Le 18 novembre 2021, les policiers ne l’ont pas cru. Et comme son ex-chum requérait son expulsion, les policiers lui ont ordonné de ramasser ses vêtements et de quitter les lieux. Désemparée, froissée et embrouillée, Vanessa tentait d’obtenir des explications. Elle a insisté. Elle voulait être écoutée. Mais rapidement, elle s’est retrouvée au sol. La prise de l’un des deux policiers agenouillés sur elle lui avait coupé le souffle. Elle l’informait qu’elle était en train de s’étouffer. Il lui passait les menottes, puis il la remettait sur pieds.
Dehors, pieds-nus et sans manteau, Vanessa C. avait très froid. Elle pleurait. Elle était en état de choc. Une fois à l’intérieur de la voiture de police, elle réclamait ses souliers, son manteau. Ensuite, elle a demandé qu’on la conduise à l’hôpital. Le policier au volant la traite de folle.
La voiture de police s’immobilisait dans sa course sur la rue Hochelaga devant un centre d’hébergement pour femmes sans abri. Une fiche indiquait que le centre était complet. Les policiers reprirent donc leur route, cette fois vers le centre sud de Montréal. L’accès au pavillon Patricia Mackenzie pour les femmes sans abris étant plus accessible. Ils la déposèrent. Ils lui enlevèrent les menottes puis ils l’abandonnèrent.
Le lendemain, Vanessa C. se présentait au poste de police 22. La plainte contre son ex-chum fut retenue, celle contre les policiers, on lui demanda de s’adresser à la déontologie policière.
Quelques jours après, Vanessa C. fut transférée dans un autre centre d’hébergement. Des intervenants du PASM, Perspective Autonome en Santé Mentale tentent de s’occuper d’elle.
Vanessa C. n’arrivait pas à faire disparaitre l’intervention policière de sa mémoire. Elle était hantée par l’attitude des policiers.
Le 17 mars 2022, la Ligue des Noires du Québec l’aidera à rédiger une plainte contre les policiers qui ont participé à son arrestation. Une correspondance s’ouvra.
Aux alentours du 10 avril 2022, la déontologie policière demanda à Vanessa C. un complément d’informations : il était impossible d’identifier un troisième policier visé par la plainte. Vanessa C. précisa qu’il s’agissait d’une policière et elle tenta de la décrire. Toutefois, Impossible de la retracer. Le rapport de la police indiquait la présence de deux policiers seulement.
Le 11 octobre de la même année, un autre questionnaire s’ajoutait et le nom de Vanessa C. commençait à briller sur les correspondances. Vanessa C. nourrissait un espoir… Malgré des précisions et une mémoire par moment intacte, la déontologie policière refusa d’inculper une policière inconnue, fantôme. De ce côté, le dossier fut rapidement fermé.
Conclusion, on propose à Vanessa C. une date de conciliation avec les deux policiers impliqués. Elle est quasi obligatoire cette séance de conciliation. Si vous la refusez, votre dossier sera tout simplement fermé.
Le 20 décembre 2022, Vanessa C. ne voulait pas aller seule à la rencontre de ces deux policiers. Elle était traumatisée. Le Mouvement Action Justice me désigna pour l’accompagner. Elle pleurait Vanessa C. tout au long de la réouverture de son récit.
Elle n’a pas oublié un seul bout de l’agression. Les deux policiers en face d’elle répétaient qu’ils ne se souvenaient pas tout à fait de l’événement. Néanmoins, ils s’excusaient en ajoutant qu’ils n’avaient aucunement l’intention de la blesser, de la maltraiter, de l’abandonner…
La conciliatrice, court-circuite, elle demande de nous rencontrer seuls, elle et moi, auteur de ces lignes et Vanessa C. On se déplaçait dans une salle avoisinante. La conciliatrice explique de nouveau le processus, rappelle les directives sur la confidentialité et demande à Vanessa C. si elle accepte la conciliation. Celle-ci sans hésitation aucune, refuse. Une fois retournée à la salle de rencontre, elle pleurait davantage Vanessa C. face aux deux policiers. Elle s’interrogeait sur le sort de la troisième policière qui l’a dénigré.
La conciliatrice persévérait sur le fait qu’elle n’a jamais existé cette troisième policière. Yeux exorbités, ahurie, Vanessa C. me regardait pleinement. J’ai demandé à questionner les deux policiers, la conciliatrice s’y est objectée, mais l’avocate de la fraternité policière n’y voyait pas d’inconvénient. Elle prenait son dossier à la légère, Madame l’avocate. Les policiers ont finalement reconnu l’intervention d’une troisième policière. Sauf qu’ils disaient ne pas connaitre le nom de celle-ci. La conciliatrice fut abasourdie. Elle réclama notre retrait de nouveau. Avec un sourire qui agrippait difficilement ses lèvres, elle nous informait qu’elle allait retravailler pour retracer la policière fantôme. Quelques semaines plus tard, une autre séance de conciliation était programmée. La policière fantôme refait surface. Elle était en face de nous. Voilà une autre rencontre non souhaitée, similaire qui s’ajoute dans la vie de Vanessa C. : discussion, échanges, propositions, rejets, des pleurs, une blessure qui saigne de nouveau et la seconde plainte est rejetée également comme des centaines d’autres avant et après Vanessa C.
[1] https://pivot.quebec/2023/03/17/un-projet-de-loi-pour-la-police-aux-depens-de-leurs-victimes/
[2] Le prénom a été modifié pour des raisons de confidentialité.