Valoriser l’humain, est-ce encore possible?

Hadj Zitouni, porte-parole

Mouvement Action Justice, 

Organisme en défense des droits.

Mardi, 15 octobre 2024.

Avant de s’introduire éventuellement dans l’interrogation de mon titre, je vous partage un autre titre qui m’a incité à me lancer dans cette introspection : «Humanité et Responsabilité : les services publics face à leurs grandes missions »

D’abord, je tiens à vous rassurer que je suis nullement le concepteur de ce dernier titre. En effet, il appartient plutôt à Me Marc-André Dowd, Protecteur du citoyen. D’ailleurs, vous allez le trouver, ce brillant titre, dans la page d’ouverture Edito de son rapport annuel d’activité 2023-2024. 

À vouloir valoriser l’humain dans notre société, le Protecteur du citoyen a fait de cet en-tête un cheval de Troie galopant. Je vous rappelle que Me Marc-André Dowd fut, dans une vie antérieure, Commissaire à la déontologie policière avant d’être nommé à ce nouveau poste. Je me souviens de l’avoir rencontré à quelques reprises. Effectivement, je ne vous le cache pas, j’étais touché par la modestie et l’ouverture d’esprit de cet homme. J’avais même écrit un article sur cette rencontre qui remonte au mois de janvier 2018. À cette époque, il me faisait pitié Me Marc-André Dowd de le voir planté dans le marais de la déontologie policière. Il était voué, le pauvre Me Marc-André Dowd, à l’échec, car la déontologie policière est une embûche inextricable où les victimes de l’autorité policière sont servies délibérément, voire forcément, comme souris de laboratoires à travers des séances dites conciliatrices qui servent aux profits de formations sur mesure visant à corriger des policiers qui dérogent au code de leur déontologie. Les plaignants-victimes de l’abus policier s’attachaient au processus de la déontologie policière, une fois, deux fois, puis la rupture du lien de confiance suit en définitive sans appel aucun. Me Marc-André Dowd s’est retrouvé, se pensant privilégié comme d’autres Commissaires avant et après lui, au centre de ce laboratoire d’expérimentation abominable où les plaignants de l’abus de l’autorité policière n’ont rien de mérite que le poids de l’humiliation.     

Donc, il était chanceux Me Marc-André Dowd de se soustraire de cette tourbière inhumaine qui fait souffrir des centaines et des centaines de citoyens au Québec au nom d’un processus cruel et dégradant. 

Tout mettre en œuvre pour que la personne demeure au cœur des priorités des services publics. 

Là aussi, ce titre ne vient pas de moi. Il appartient également à Me Marc-André Dowd. D’ailleurs, il fait le bonheur de son rapport annuel d’activité. Une sorte de prise de conscience qui nous résume assez bien la vision de cet homme. 

Le Protecteur du citoyen tente encore une fois de briser le robotisme humain et humaniser les services publics. Il déclare ouvertement un déficit criant au sein de notre société. Autrement dit, Me Marc-André Dowd nous dit que si nous voulons réellement améliorer notre sort, nous devrons valoriser l’humain. Il cible tous les secteurs publics sans exception, Me Marc-André Dowd. Il le dit à haute voix dans son rapport annuel d’activité. Il le répète. Il l’ordonne. Il le suggère: valorisons l’humain avant tout.   

En lisant son rapport annuel 2023-2024, j’ai retrouvé l’homme que j’ai perdu de vue depuis quelque temps. Il voulait bousculer les choses autour de lui, Me Marc-André Dowd, mais lorsque je l’avais rencontré, il avait encore les mains liées et les pieds enfoncés dans la boue de la déontologie policière. Maintenant, Monsieur le Protecteur du citoyen, que vous n’êtes plus dans l’asservissement, nous vous invitons à prêter l’oreille aux citoyens et d’agir en forgeant des liens de confiances et tendre une main protectrice, en particulier aux plus vulnérables de notre société. J’espère que vous allez tenir le coup, debout sur la même voie jusqu’à l’extinction de votre mandat. Être Protecteur du citoyen n’est ni privilège, ni engagement aveugle, mais plutôt une prise de conscience de vouloir apporter de vrais changements. 

 Le chef du SPVM, M. Fady Dagher, a-t-il à son tour une vision?

Après la lecture du rapport annuel d’activité du Protecteur du citoyen, je me suis tourné vers des notes que j’avais prises lors de la présentation du rapport annuel et du plan stratégique 2024-2026 du directeur du Service de la police de la Ville de Montréal, Monsieur Fady Dagher.  C’était devant la Commission de la sécurité publique à l’hôtel de Ville de Montréal le 12 juin 2024. Mes notes m’ont vite rafraîchi la mémoire. M. Fady Dagher est venu avec son état-major nous présenter les grandes lignes de son rapport et de son nouveau plan stratégique. 

À un moment donner de sa présentation, M. Fady Dagher nous a cité les trois grands principes fondamentaux de sa vision d’ici 2026, je vous les cite:

  • Mettre les populations au cœur de ses actions
  • Valoriser l’humain
  • Innover pour const …..  

Alors que le chef de la SPVM continuait à nous expédier son fameux plan stratégique, je me suis brusquement détaché de son train d’expédition en me heurtant sur son deuxième bloc de vision. Le troisième bloc, j’avoue que je l’ai raté par inadvertance. Le choc était un peu dur pour moi. J’étais déstabilisé au point d’être éjecté pleinement de l’écoute. Toutefois, je le voyais M. Fady Dagher tournant les pages, tête inclinée sur une lecture soigneusement préparée et je me suis demandé s’il comprenait réellement ce qu’il lisait par moment. 

À la fin de sa présentation et l’ouverture de la période des questions, j’ai questionné M. Fady Dagher à savoir comment le SPVM avait-il attendu si longtemps, jusqu’à la présentation de son Rapport d’activité 2024, pour viser décisivement dans ce nouveau plan, soi-disant stratégique à vouloir valoriser l’humain? Juste le voir lancer ce bloc de vision sur la place publique, pour moi, c’était assez troublant! La valeur humaine a-t-elle été abondamment exclue de la vision du SPVM au point de nous le rappeler publiquement!

C’est tout un courage! Bravo M. Fady Dagher! Dénoncer ses troupes sur la place publique en amorçant un virage d’urgence vers la reconnaissance et le mérite de la valeur humaine n’est pas rien dans une société où les valeurs, jadis chères à l’humain, ne sont plus d’actualités. 

En revenant à moi après l’accident de ce fameux bloc qui m’a heurté en plein fouet, je me disais : Hélas! Les citoyennes et citoyens, non seulement de la ville de Montréal, ne méritent-ils pas cette valeur qui leurs revient par essence.

Lors de cette présentation devant la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal, je ne requérais nullement le droit à une réponse au risque de mettre le chef de la SPVM dans l’embarras de l’hypocrisie. Toutefois, je l’ai exhorté à une profonde réflexion sur le sujet. Reconnaître l’objet est une chose, mais le mettre en œuvre est une autre.  

Incontestablement, le chef du SPVM, M. Fady Dagher est un homme de terrain. Nous l’avons tous vu jeune policier affleurer les rues de Montréal en quête de rapprochement avec les habitants des quartiers. Nous l’avons entendu et souvent répéter cette maxime : Police de proximité. Ores, ce contact a-t-il fait de lui le visionnaire d’aujourd’hui ou plutôt les fautes majeures de ses troupes ont réveillé sa conscience? 

Au final, je ne peux que quitter M. Fady Dagher, directeur du Service de la police de la Ville de Montréal, le SPVM, sur une bonne note : celle d’avoir eu le courage de dénoncer publiquement ses troupes et de tenter par une vision tardive à valoriser l’humain de nouveau. Pour Me Marc-André Dowd, il lui reste encore et encore du chemin à faire.