Le 810 : attention! Ne le signez pas.  

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Prise de photo d’Edouardo à son insu dans l’une de ses pauses au travail. Montréal, le 10 avril 2024

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Hadj Zitouni, Porte-Parole 

Mouvement Action Justice, un organisme en défense des droits   

03 mai 2024

Le 810 est un article du code criminel. En acceptant de le signer dans un contexte de conflit conjugal, l’accusé admet que son ex-conjointe a raison de craindre pour sa vie, la vie de ses enfants, la vie de son partenaire intime ou même endommager sa propriété. Il admet également qu’il peut commettre l’infraction visée par l’article 162.1 du code criminel, celle de publier, distribuer, transmettre une image intime de son ex-conjointe. Bref, c’est une autre façon de plaider coupable et d’admettre sa dangerosité.   

« La responsabilisation est à la base de notre système de justice, et ce principe s’applique entre autres à nos juges ». David Lamethi, ancien Ministre de la justice et procureur général du Canada.  

Il faut noter que la majorité des avocats présentent l’article 810 du code criminel à leurs clients comme simple engagement, celui de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite pour une période maximale de douze mois. Ils rabâchent ces avocats que les accusés n’ont rien à craindre à signer le 810, puisqu’une fois dépassée la période prescrite, le dossier est totalement effacé des annales judiciaires. Par contre, ils ne leur disent pas tout. D’ailleurs, ces avocats vont jusqu’à souffler à l’oreille de leurs clients une probable condamnation s’ils refusent de signer ce fameux 810.  Les personnes faussement accusées, présumées innocentes, deviennent soucieuses, craintives, anxieuses. La plupart du temps, elles passent à l’acte et signent cet éminent 810 du code criminel bien qu’elles n’aient totalement rien à se reprocher. 

Ces dernières années, le 810 se répand comme une traînée de poudre à travers les tribunaux au Québec. Il prend de plus en plus de l’expansion. Les procureurs de la couronne l’utilisent à merveille pour que les policiers cognent davantage et à tout moment. Les femmes le connaissent beaucoup mieux que les hommes. Elles le trouvent efficace. Il s’est avéré un outil par excellence au plus haut point donnant des résultats impressionnants, renversants. 

Après l’avoir expérimenté, les femmes conseillent fortement à d’autres femmes de s’étendre vers ce raccourci pour mieux dominer leur conjoint. Ainsi que l’article 810 se faufile en mal comme en bien dans la vie des couples. Une chose est certaine, forcer des personnes faussement accusées à le contracter fait plus de mal que de bien à notre système de justice. Les juges le savent très bien, mais ils préfèrent se taire et détourner le regard.

Voilà ce qui devient inquiétant, voire troublant. Force et de constater que le DPCP, le procureur de la direction des poursuites criminelles et pénales accélère le pas à tout prix pour forcer la main à ces personnes innocentes à devenir des coupables presque parfaits. Pire, des avocats qui privilégient non seulement de conseiller le 810 à leurs clients, mais qui insistent qu’ils l’acceptent et le signent malgré leur refus. Il va de soi qu’un nombre innombrable de juges au Québec, pour ne pas dire tous, l’accordent, le laissent passer à la vitesse de l’éclair en guise de désengorger un système judiciaire marchant de temps à autre en reculant. 

Quel est le rôle des juges face à l’article 810 du code criminel?

Pour mieux répondre, je vous invite plutôt à lire cette histoire tirée du quotidien de nos tribunaux.  Edouardo, un jeune homme que je connais depuis des années. Il est aide-mécanicien. C’est un homme dévoué entièrement à son travail et à sa famille. Il a trois filles. La plus veille a treize ans. Elles sont les prunelles de ses yeux.  Sa femme Alma, Edouardo l’aime comme un fou. Il l’a encouragée à faire des études et pendant toutes ses années de formation, Edouardo a porté pleinement le fardeau des charges : maison, études, gardienne… Il s’est brulé les doigts, Edouardo, pour que sa femme et ses filles ne manquent de rien.  

Personnellement, je n’ai jamais vu Edouardo se fâcher. Alma, sa femme l’avait provoqué à plusieurs occasions sans réel succès. Il souriait Edouardo, tout le temps. À l’instar d’une peluche, il adorait les accolades de ses filles. En revanche, Alma réitérait que son mari sentait l’odeur du garage en permanence. Elle affirmait que l’haleine de la graisse noire et l’huile des moteurs ne décollent jamais de la peau d’Edouardo.  

Après avoir complété ses études, Alma est devenue conseillère en immigration. Edouardo s’est endetté pour lui acheter une voiture. Il lui a loué un bureau dans le quartier de son choix.  Il l’a meublé ce bureau et s’en est occupé de le repeindre et à distribuer des dépliants publicitaires pour un premier lancement. Il a fixé aussi une grande affiche de façade en plein hiver. Toutefois, Edouardo ne savait pas que sa femme fréquentait un homme qu’elle avait rencontré lors de ses études. Elle l’avait présenté à Edouardo comme son associé. Les habitudes d’Alma ont pris un virage inattendu. Elle rentrait souvent tard chez-elle Alma. Elle justifiait ses retards par un volume de travail élevé. En se rendant compte que ses filles étaient un peu négligées. Edouardo réduisait ses heures de travail au garage. Alma profitait encore, elle ne passait plus les fins de semaine chez elle. Elle disait qu’elle voulait profiter de sa vie et que c’était son plein droit. 

Edouardo n’arrivait plus à dormir quand Alma découchait les fins de semaine. 

Il est devenu soucieux, préoccupé. Quand Alma retournait à la maison, Edouardo tentait de la questionner, mais, il buttait constamment sur un silence de plomb. Avec le temps, il a appris à se fâcher Edouardo, seulement, il n’avait pas ce mécanisme réversible pour faire effet.  Un jour, Alma l’informe froidement qu’elle ne veut plus vivre avec lui. Elle lui intime l’ordre de disparaitre de sa vie. Elle le menace d’appeler la police. Edouardo s’accroche, refuse, insiste à connaitre la raison. Dans certains moments, il arrive qu’Alma perd le contrôle. Cette fois-ci, elle a poussé un cri strident Alma. Elle s’est frappée le visage. Elle s’est griffée le cou et finalement, elle lui a jeté un pot de fleur au visage. Le front d’Edouardo saignait, mais il n’a pas levé le doigt une seule fois. Il s’est figé un moment Edouardo en fixant Alma dans les yeux. Alma s’est tournée lentement les talons et s’est éloignée du salon. Désappointé, Edouardo a fini par quitter les lieux.

Le lendemain, Edouardo s’est réveillé épuisé dans son garage. Alors qu’il aidait à installer une transmission sur un Pick up, la police s’est pointée le nez dans son garage. Deux policières l’ont plaqué contre le mur. Elles lui ont passé les menottes. Edouardo apprend qu’Alma a fait une plainte contre lui pour voies de fait. Il a refusé les services d’avocats Edouardo. Il s’est senti beaucoup mieux en détention. Quelques jours après, il est remis en liberté sous conditions : Il devrait suivre une thérapie réservée aux hommes qui ont eu recours à la violence dans leurs relations conjugales. Il n’avait plus le droit, Edouardo, ni de communiquer directement ou indirectement avec Alma. Il lui a été interdit également de se retrouver à trois cent mètres de chez lui. Il lui a été interdit aussi d’avoir en sa possession une arme à feu et de s’abstenir de consommer des drogues, sauf sur ordonnances médicale, de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes.  

Les policiers qui ont procédé à l’arrestation d’Edouardo et ceux qu’ils l’ont interrogé étaient visiblement surpris par la gentillesse de cet homme. Edouardo n’a pas d’antécédents judiciaires. À l’une des interrogations des enquêteurs, Edouardo a imputé sa blessure au front, à un accident au travail.

Tout au long de cet interminable processus judiciaire, Alma s’absentait à ses rendez-vous à la cour. L’enquêteur dans le dossier, lui a demandé de se présenter à son enquête préliminaire, mais elle ne s’était pas présentée. Il l’a imploré de se présenter une seule fois. Elle ne s’était pas présentée. Plusieurs dates d’audiences ont été reportées et finalement, l’avocat de la couronne propose une planche de Salut à Edouardo, il faut qu’il signe un 810. Son avocat de l’aide juridique lui explique qu’il n y’avait pas d’autres issues. Il ajoute qu’un procès est toujours long et risqué… Ces avocats-businessmans ont recours à des phrases tranquillisantes, comme, « vous n’auriez pas besoin de revenir à la cour ou d’être entendu par qui que ce soit, signez ce document et libérez-vous. »   

Qui est responsable du déraillement de ce train de justice?

Les juges en premier. Il faut les dénoncer haut et fort ces guignols

Ils favorisent ces juges défaillants le libre cours aux suggestions communes entre les représentants des deux parties sans s’assurer que les accusés ont volontairement et sans contrainte aucune accepté ce 810 : un plaidoyer réputé et efficace aux maux de têtes de nos tribunaux. 

Il est à noter qu’elles sont nombreuses, même, très nombreuses ces personnes faussement accusées qui contractent le 810. Il se propage le 810 plutôt comme un virus qui atteint pleinement les hommes les plus vulnérables de notre société. 

Devant ce fléau qui fait ravage au Québec, détruisant, parfois, familles et enfants, les juges font l’autruche, en enfouillant non pas la tête dans le sable, mais plutôt dans la boue. Ainsi qu’ils salissent la toge et l’épitoge, ce symbole de pouvoir un peu erroné. 

N’est-il pas vrai qu’un juge de paix quand il reçoit une dénonciation, il fait comparaitre les parties devant lui et si et seulement s’il est convaincu par la preuve apportée que les craintes de la personne pour qui la dénonciation est déposée sont fondées sur des motifs raisonnables sans contrainte aucune, il ordonne ou accepte que le défendeur contracte l’engagement du 810. 

Alors pourquoi, il le fait en absence de l’accusé? Pourquoi, il ne prend pas le temps de s’assurer que ce dernier n’a pas été forcé d’accepter un tel plaidoyer? Ces personnes faussement accusées misent entre le marteau et l’enclume : un avocat trop pressé pour passer à un autre dossier et un procureur qui vise d’obtenir une condamnation à tout prix. Cependant, c’est entre les mains des juges que se repose l’équilibre de la justice. Finalement sont-ils réellement conscients ces juges de cette sorte d’injuste imposée forcément au nom de la justice à des citoyens trop vulnérables financièrement pour se défendre?  

L’article 810 est une déclaration de culpabilité déguisée.

Attention, le 810 ne le signez pas si vous n’avez rien à vous reprocher! Accrochez-vous à vos principes!  Il faut être nombreux à ne pas le signer. Il faut être nombreux à le refuser, en rejetant cette sorte d’injustice. N’attendez surtout pas que ces juges vont se rendre compte d’eux même de la gravité de ce phénomène. Dénoncez cette pratique qui fait honte à notre système de justice. 

De ma part, j’ai rompu ma relation de travail avec l’avocat d’Edouardo. Ce dernier a refusé catégoriquement de signer le 810. Maintenant, il va affronter la justice seul avec son silence et les absences répétées d’Alma à se présenter à la cour. L’histoire d’Edouardo va-t-elle réveiller la conscience de nos juges? 

J’en doute fortement. Par contre, une prise de conscience citoyenne pourrait changer la donne. Dorénavant, je ne signerai plus de 810 aussi longtemps que je n’ai rien à me reprocher, me dit-il Edouardo avec un sourire défiant la crainte qui se dissipe de son corps progressivement.