Incroyable, mais pourtant vrai, la commission de la sécurité publique tenue le 10 avril 2018, autour de l’emploi de la force et de l’utilisation des armes intermédiaires au SPVM, a réussi à détourner le regard de la population vers un faux débat en évitant un sujet devenant tabou : l’impunité policière.
En effet, la tenue cette commission ne montre aucune volonté de changer les choses concernant le comportement de la police. Le SPVM ne semble pas avoir retenu les leçons de ses bavures causant des blessures graves voir la mort de personnes vulnérables, ni de vouloir se plier aux recommandations préconisées dans les rapports d’enquêtes publiques.
Aussi, l’abus du pouvoir de l’autorité policière continuera de faire des victimes parmi les citoyens et en particulier les plus vulnérables de notre société. Un constat douloureux, triste qui demeurera aussi longtemps que cette question de l’impunité policière ne sera pas réglée en définitive.
Nous nous demandons si les élus qui font partie de cette commission de la sécurité publique étaient réellement conscients lors de l’assemblée du 10 avril 2018 en ouvrant un débat sur un sujet aussi épineux que les armes intermédiaires. En effet, avant même la tenue de cette commission il aurait fallu répondre préalablement à la question suivante : qui est responsable des bavures policières allant jusqu’à causer la mort ? Les armes intermédiaires ou les détenteurs de ces armes ? Autrement dit : est-ce que ceux sont les armes qui tuent ou plutôt les policiers ?
À la lumière de cette question, nous avons l’impression que l’assemblée du 10 avril 2018 tente de distraire la population en ouvrant un faux débat afin d’éliminer un autre qui mérite toute notre attention : soit l’impunité policière, la sélection des candidats qui souhaitent devenir policiers, l’enseignement au sein des établissements de formations policières. En effet, c’est l’attitude des policiers et leur jugement défaillant qui constituent le problème et non pas les armes intermédiaires.
L’exemple de la mort de M. Pierre Coriolan lors d’une intervention policière en 2017 illustre clairement la démesure des bavures et ce n’est nullement, dans ce cas, la faute des armes intermédiaires. C’est l’histoire d’une intervention policière ratée où le jugement des policiers est remis en cause avec preuve à l’appui. Contrairement à la récente intervention du policier de Toronto, M. Ken Lam, qui a réagi avec diligence pour interpeler le suspect qui a tué dix personnes et blessé plusieurs autres.
Nous constatons la ligne dure et la politique de l’autruche de l’État. Un rôle inactif face à ces tragédies humaines en répétition. C’est malheureusement le constat des citoyens de la ville de Montréal. M. Alex Norris, président de la commission sur la sécurité publique n’a pas tardé lors de l’ouverture de cette assemblée de rappeler le fait que la confiance de la population envers le SPVM est ébranlée.
Attention, il ne faut pas confondre non plus l’utilisation des armes intermédiaires par des policiers contre les groupes criminels au Québec ou les braqueurs de banques… cela n’a jamais été l’objet de discussion. Ce n’est pas juste rare, mais en aucun moment, nous avons appris qu’un mafieux ou un vrai criminel était abattu par ces armes dites intermédiaires ou non. La discussion concerne plutôt la force disproportionnée allant jusqu’à causer la mort de personnes vulnérables dont la vie aurait pu être grandement épargnée.
Lors de cette assemblée, le corps policier a été gêné quand nous avons évoqué la mort de M. Pierre Coriolan pour soutenir l’intervention de notre Mouvement (MAJ). En effet, personne n’a voulu parler de cet incident ou d’autres semblables. Plusieurs prétextes ont été mis en avant comme le fait que le BEI n’a pas encore remis son rapport ou que la question ne touche pas les armes intermédiaires. Or, la mort de M. Coriolan est une parfaite illustration d’une utilisation excessive de la force policière. Nous ne cessons de le répéter : dans cette mort, il ne s’agissait pas d’armes intermédiaires, mais d’un jugement défaillant de la part d’un ou de policiers qui n’ont pas leurs places dans le corps policier.
Le message que la commission de la sécurité publique a voulu envoyer à la population est le suivant : nous ne devrons pas porter de blâme au policier qui abatte une personne vulnérable en utilisant une force disproportionnée lors d’interventions qui tournent au drame, selon le débat présenté par la commission, nous devrons accuser les armes intermédiaires à la place.
Ainsi, le corps policier ne devra pas être tenu responsable des blessures graves ou de la mort d’individus notamment des Itinérants, des personnes vulnérables ou atteintes de maladies mentales. Voilà pourquoi, les caméras de nos médias étaient toutes braquées vers la trajectoire des armes intermédiaires en possession de la SPVM. Un coup d’éclat perfide qui a presque bien fonctionné.
« Le continuum de l’emploi de la force et l’utilisation des armes intermédiaires au SPVM » la commission avait diffusé ce titre à titre d’information au public. À première vue, nous pensons qu’il s’agissait effectivement de l’emploi de la force par les agents de la SPVM lors de leurs interventions. Toutefois, après avoir assisté à l’assemblée, nous prenons conscience du fait que la première partie de ce titre « l’emploi de la force » n’est nullement attribuée aux forces policières, mais plutôt aux armes intermédiaires. Les policiers ne sont pas associés à cette manœuvre. C’était un procès fait aux actes des armes intermédiaires. Il fut question de débattre de leurs efficacités, de leurs nombres et de celles que nous devrons augmenter comme chiffre ou exclure des champs d’interventions.
Les élus, le corps policier, les médias se sont tous bandés dans ce sens en sachant que ce n’est pas les armes intermédiaires qui tuent, qui blessent… mais c’est plutôt ces policiers qui demeurent sans reproche. L’État fait l’erreur de persister, tête baissée à protéger ses chiens de garde, alors que le nombre des innocents abattus injustement par les policiers ne fait qu’augmenter. La commission nous a envoyé une image embrouillée à l’égard de l’abus policier, une autre inquiétude qui s’installe dans le décor.
Hadj Zitouni, président